Il y a quelque chose de terriblement rébarbatif dans Le Bruit des Glaçons, de la même manière que le cancer s’empare du corps de l’homme et de la femme pour le ronger peu à peu, répétant les mêmes procédés de destruction, encore et encore.
Le film de Bertrand Blier commence sur les chapeaux de roue et impose un ton original qui n’aura de cesse de se voir décliné pendant l’heure suivante, tel un thème musical et ses variations ; le souci, c’est que les déclinaisons produisent une impression de sur-place que les joutes verbales ne réussissent pas à pallier. Joutes fort bien écrites au demeurant, ce qui constitue la patte du cinéaste. Joutes qui bénéficient de très bons acteurs, à commencer par le duo de tête que forment Jean Dujardin et Albert Dupontel. Joutes qui tournent pourtant légèrement à vide, comme si Blier désamorçait cette verve tranchante qui constituait la sève de son cinéma en construisant un personnage-écran, celui de l’écrivain dépressif qui noie son chagrin dans l’alcool. Charles est blasé, le film l’est tout autant, troué qu’il est par quelques ouvertures lumineuses qui réchauffent le cœur en donnant accès à une sensibilité à fleur de peau.
Rehaussé par sa tonalité volontiers farcesque – pensons à ce concert improvisé de Gitans dans la salle à manger –, Le Bruit des Glaçons repose sur une mise en scène efficace et menée de mains de maître, mais qui semble délaisser la volonté de surprendre et les envolées libertaires pour se cantonner à l’application d’un canevas rejoué jusqu’à plus soif.