1970, c’est officiellement la fin du règne gaulliste. Charles de Gaulles, c’est un homme qui pendant ses longues années au pouvoir à permit de faire grandir la France dans son développement mais aussi sur le plan international. La plupart de ses actes provient de ce qui l’a rendu célèbre : la Seconde Guerre Mondiale et la Résistance. Et grâce à lui, la France a résisté. Enfin, c’est ce qu’il aimait faire croire à travers le résistancialisme. Le résistancialisme, c’est une idéologie selon laquelle les Français sous l’Occupation auraient unanimement participé à la Résistance contre l’ennemi allemand. Une idéologie cherchant à présenter la France comme un pays martyr et le dresser au rang de vainqueur. La vérité est en réalité bien plus compliquée que ça, et c’est ce que veut montrer Marcel Ophüls, en allant interroger les habitants de Clermont-Ferrand, dans la zone Libre.


Ophüls va d’abord faire parler les héros de la France, les résistants. Mais dès le début on sent que tout n’est pas tout rose : certes, il y a eu beaucoup de résistants, mais il y avait ceux qui feignaient de l’être. « Nous, nous nous battions, tandis qu’il y avait beaucoup de bavards […] des résistants de salons » dira l’un d’eux. Et ce, c’est sans parler de tous ceux qui ont décidé de s’engager en 1943-1944, sentant l’Allemagne tombante et se ranger ainsi dans le rang des vainqueurs. Et parmi ces résistants, beaucoup d’entre eux n’étaient pas unis comme l’aurait voulu De Gaulle, par exemple : certains d’entre eux refusaient d’aller aider les communistes… Sans oublier les débordements d’après-guerre (jugements et exécutions hâtives, rasages sauvages…)


Ensuite, on interroge les collabos. Et c’est là qu’on se rend compte que les Français ne sont plus du tout les gentils petits résistants que l’on aimerai bien montrer. N’oublions pas que la France est le seul pays à avoir collaboré, et que c’était une initiative de sa part ! Ainsi, lors de la tristement célèbre rafle du Vel d’Hiv, alors qu’on ne devait rafler « que » les plus de 16 ans, la Police française fit fi de cet ordre et décida de prendre tout le monde. On nous explique également que l’antisémitisme et l’anticommunisme ne sont pas des idées propagées par le régime nazi, mais était déjà présent : « ma jeunesse [1934] a été baignée dans l’antisémitisme »


Et le plus étonnant dans tout ça, c’est la tierce partie des Français, et la plus importante : ceux qui n’ont rien fait. Et ceux-là, ils sont nombreux : plus de 90% des français. Ils ne semblaient pas concernés, car : « prisonniers de guerre et déportés juifs, je pensais que c’était la même chose » pensait l’un des Clermontois. Mais il y a également tous ceux qui ne se sont pas engagés dans la Résistance, et ce malgré des propositions. Certains, sans valables excuses, diront « Je ne savais pas où c’était ! », d’autres l’assumeront, assez difficilement : « on m’a proposé d’entrer dans la résistance ».


Ophüls ne se contentera de voir que les Français, il prend part à s’intéresser aux étrangers, que ce soit les espions anglais, ou les soldats allemands. Ces derniers rajoutent une couche sur les comportements des civils, qui n’étaient pas si germanophobes que ça « les serveurs ne faisaient pas de différences ».


Cette période noire de l’Histoire française a été difficile à supporter pour certains : en plus d’avoir subi une défaite, la France s’est retrouvée à collaborer avec l’ennemi. Certains ont cherché à l’oublier, d’autres à en tirer profit. On pourra reprocher à Ophüls de des fois chercher la provocation face à quelques intervenants, mais en général, il sait faire parler les autres sans toutefois leur manquer de respect. De plus, 4h20 de témoignages, c’est assez difficile à supporter, moi-même j’ai dû le regarder en deux fois. Mais pour ce qu’il représente, à savoir la fin d’un tabou et d’une idéologie, il vaut la peine d’être vu.

poulemouillée
8

Créée

le 24 oct. 2016

Critique lue 461 fois

poulemouillée

Écrit par

Critique lue 461 fois

D'autres avis sur Le Chagrin et la Pitié

Le Chagrin et la Pitié
Black_Key
9

Éloge de l'honnêteté

Avant de parler de ce documentaire de plus de 4h, il convient de resituer le contexte historique lors de sa sortie. Tourné pour sa majorité en 1969, le film devait initialement être adressé à l'ORTF...

le 25 avr. 2015

24 j'aime

8

Le Chagrin et la Pitié
Sergent_Pepper
9

Des hommes dans la ville

Le Chagrin et la Pitié est un pavé : 250 minutes de témoignages et d’enquête sur une période définie de l’histoire récente, présenté comme une « Chronique d’une ville sous l’Occupation ». C’est...

le 8 oct. 2020

21 j'aime

1

Le Chagrin et la Pitié
Amandinala
8

La diversité de la vie sous l'occupation.

Comme promis à mon prof d'Histoire, qui m'a lancé un défi relativement osé en échange de son inscription sur ce site (la pub coûte cher) je dois critiquer Le Chagrin et la Pitié. Pas évident quand on...

le 3 avr. 2013

18 j'aime

7

Du même critique

Stup Forever
poulemouillée
5

Cinquième ère : Il est temps de mourir

Comme un peu tout le monde, je suis surpris par la sortie de cet album auquel personne n'imaginait sa venue. Il faut dire que Stup Virus, sorti il y a déjà 5 ans de ça, était déjà un album un peu...

le 16 sept. 2022

28 j'aime

12

The Lamb Lies Down on Broadway
poulemouillée
10

Voyage au bout de l'enfer

Comment présenter le Genesis des années 1970 ? Simplement, on pourrait dire que Genesis se fait remarquer sur la scène progressive non seulement pour sa musique, au structures complexes mais très...

le 1 sept. 2018

18 j'aime

1

Larks’ Tongues in Aspic
poulemouillée
8

5e Roi Cramoisi : L'imprévisible

Après le succès plutôt mitigé d'Islands, Robert Fripp, le leader du groupe (même s'il n'aime pas être nommé ainsi) décide de jeter tout le monde, y compris Peter Sinfield son plus ancien...

le 26 mars 2017

16 j'aime

2