Difficile de s'attaquer à un Kurosawa ; il s'agit d'un de ces réalisateurs brillants, dont chaque plan de chaque film paraît minutieusement composé, dont les scénarios sont parfaitement justes et équilibrés ; en clair, des films où rien ne dépasse. Je recommande d'ailleurs vivement la vidéo d'Every Frame a Painting qui traite du travail de Kurosawa.
Là-dessus, rien à redire, Le Château de l'Araignée est un film qui se regarde avec une certaine admiration, un exercice de style rondement mené. Il est même peut-être pas mal pour découvrir Kurosawa, car d'une durée raisonnable, et avec une trame très lisible directement adaptée de Macbeth.
En effet, neuf ans après l'adaptation d'Orson Welles de l’œuvre de Shakespeare, Kurosawa transfère l'histoire du dramaturge anglais à sa culture, et tout fonctionne à merveille. Que ce soient les jeux d'acteurs, la mise en scène ou simplement l'histoire, tout est fluide et cohérent, mais on sent cependant qu'on est dans du théâtre adapté au cinéma.
Et c'est le seul véritable reproche que je fais à ce film, et à la plupart des adaptations de théâtre en général : sans être véritablement du théâtre, elles en gardent l'essence, mais ce n'est pas de la scène. Il y a des choses qui fonctionne mieux lorsqu'elles sont véritablement actées plutôt que sur un écran.
Je pense par exemple aux interprétations très emphatiques, déjà récurrentes dans le cinéma de Kurosawa, mais extrapolées ici. J'adore pourtant Toshirō Mifune dans son rôle assez brutal mais ambigu, c'est simplement que ce n'est pas forcément ce que j'attends au cinéma. De même, l'histoire est assez évidente : dès la première mention de la prophétie, toute la suite est aisément anticipable ; bien que Le Château de l'Araignée ne se revendique pas film à suspense, j'attends de ce genre d'histoires davantage de surprises qu'au théâtre, où une telle fluidité et banalité de scénario est plus attendue et plus facilement acceptée.
Étrangement, je dirai que Le Château de l'Araignée est trop fidèle à Macbeth, puisqu'il s'agit vraiment de théâtre au cinéma, mais pourtant Kurosawa en a bien fait une adaptation personnelle, avec des décors et costumes beaux et exotiques, un Toshirō Mifune ambigu - à la fois très lisible et tellement torturé qu'il est difficile de savoir s'il tue par ambition ou par crainte - et des choix de transcription très pertinents et aboutis ; mais le fait qu'il ne s'agisse pas d'une histoire originale, comme Les Sept Samouraïs, rend Le Château de l'Araignée moins percutant, moins surprenant. C'est juste un Kurosawa respectueux, propre et polissé.