Je ne me suis jamais senti aussi gauchiste que depuis que j'ai découvert la filmographie de Costa Gavras. A l'exception du médiocre Z, une filmo engagée et puissante qui trouvait justement de bons contextes pour développer les ambitions humanistes de son réalisateur, qui s'acharne la plupart du temps à charger les adversaires. Ici, il s'agit des cadres aisés, qui se retrouvent à trucider leurs concurrents pour un CDI. L'argument est fort, le contexte de jungle concurrente très habilement exploité. Ainsi, à force d'accumulation et de banalisation de la lutte pour l'emploi (avec une promotion de l'instinct à l'image de ces pubs sexuellement explicites récurrentes), notre protagoniste valide l'injustice qui lui est bénéfique, contourne volontiers la légalité et développe ses instincts psychopathes, qui sont d'ailleurs partagés à différents niveaux par ses concurrents. Par son histoire (aux mécanismes un peu redondants), Costa Gavras cerne un système bien rodé qui rend l'emploi indispensable à la survie (afin de consommer) et frustre moralement toutes les personnes qui s'y soumettent, notamment en montrant très vite les "responsables" (la finance, les actionnaires) comme contrainte sans espoir d'amélioration ("ils sont mes ennemis, mais ils ne sont pas mon problème"). Seul point noir de ce thriller, une piste bien lourde de conflit conjugal réglé avec un conseillé noir à accent prononcé, qui vient rajouter à ce fin portrait de riche psychopathe la bonne grosse caricature du raciste à la française comme on les aime. Allons allons, pourquoi tremper les bonnes frites dans une si mauvaise mayonnaise ?