C'est assez désastreux de voir un projet fort aguichant sur le papier exécuté de la sorte. De prémices fort nobles, traduisant des intentions intéressantes, John Guillermin n'en fera pas grand chose. Et de manière plus prosaïque, il transforme un duel germanique entre aristocratie et prolétariat en une querelle dans les airs : la moitié du film (j'exagère à peine) doit être consacrée à des scènes de bataille en avion. La répétition enracine le film dans un sentiment de lourdeur indépassable, exacerbée par des faux raccords intérieur / extérieur gênants. Sans doute qu'à l'époque, on ne se lassait pas aussi vite de cette succession de scènes de mitraille...


C'est pourtant avec un certain intérêt qu'on se plonge dans la Première Guerre mondiale, lors de ses derniers temps, alors que l'Allemagne intensifie son action militaire sur le front Ouest après la défaite de l'URSS à l'Est. À travers le quotidien d'un escadron, on assiste à l'opposition entre l’aristocrate Willi von Klugermann et le modeste Bruno Stachel. La description de ce microcosme est superficielle mais intéressante, avec une population d'aviateurs constituant une force militaire qui souhaite afficher autant que possible sa supériorité sociale (à grand renfort de salons luxueux et de champagne onéreux) sur le reste de ses semblables.


L'idée de se désintéresser totalement du contexte géopolitique global n'est pas une mauvaise option en soi, tout comme celle de se focaliser sur un point de vue intégralement allemand. Mais s'abstraire des conflits armés "classiques" pour s'enfermer dans un logique similaire transposée dans les airs constitue une démarche vraiment très peu fructueuse. La toile de fond est bien là, elle fournit les justificatifs suffisants, mais le contenu s'avère très vite limité à de la comptabilité militaire (le nombre d'avions ennemis abattus) centrée sur les exploits de Stachel.


Le trio formé par George Peppard, James Mason et Ursula Andress souffre des mêmes limitations : de bonnes idées mais de mauvais choix. La romance est poussive, l'aveuglement pour la croix du mérite devient caricaturale, la construction d'une légende militaire vire à l'artificiel (la dernière séquence est d'un manichéisme et d'une précipitation particulièrement dommageables). Le portrait de la fin d'un empire (James Mason et son monologue presque final "Take a look outside. See that? Revolution is just beneath the surface! If that happens, everything we stand for will be destroyed, unless the German officer corps stands like a rock, intact.") et les tensions de classes auraient pu engendrer un contenu de bien meilleure qualité.

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le 25 oct. 2018

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Morrinson

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