Un théatre sous l'Occupation. La femme, actrice, le mari directeur et juif, caché dans le sous-sol. Tout autour, de multiples péripéties : un ignoble critique de Je suis partout, un premier rôle masculin paradoxal et sanguin, un machiniste débrouillard, une décoratrice lesbienne, une jeune soubrette arriviste, la Gestapo, la défense passive... Marion Steiner essaie de maintenir le théâtre à flot tout en protégeant son mari.


La reconstitution est habile, et les nombreuses apparitions de rôles secondaires sont savoureuses. Toujours cet art de la narration truffaldien.


C'est une très belle composition de Deneuve, en femme contradictoire, presque toujours froide, avec des accès de passion, comme une actrice. Leur relation avec Depardieu est paradoxale, incandescente, exacerbée.


L'ambiance de coulisses est bien rendue, et je ne peux pas m'empêcher de sentir derrière le rôle féminin une projection de Fanny Ardant, épouse Truffaut. Ce qui compte, ce sont les relations entre les personnages, qui se dévoilent peu à peu, tantôt inconséquentes, tantôt graves. Par exemple l'euphorie qui suit la première, indescriptible (Marion ne peut dire que "Tu sais comment c'est" à son mari).


Et au fond, s'il s'agit d'une dénonciation de l'antisémitisme nazi, c'est surtout un beau film sur le théâtre et les sentiments. C'est un peu comme le To be or not to be de Lubitsch, mais avec des personnages plus approfondis. Il y a aussi beaucoup de détails sur la vie quotidienne, la débrouille, la manière de jauger son interlocuteur pour parler plus ou moins librement, de faire comme si de rien n'était.


Synopsis.


Paris, 1942. Le théâtre de Lucas Steiner, comme les autres, se sépare de ses acteurs juifs. Sa femme Marion (Deneuve), actrice, s'en occupe avec l'aide de Jean-Lou Cottins (Poiret) depuis qu'il a fui en Amérique du Sud. Elle achète un jambon de sept kilos. Mais elle cache que son mari n'est pas parti : en réalité, elle cherche une filière pour le faire partir. Bernard Granger (Depardieu), acteur nouvellement embauché, se doute de quelque chose, et Daxiat (Jean-Louis Richard), critique à Je suis partout, tourne autour. Marion trouve un passeur via Vierzon, un camion de déménagement. 11 novembre : la zone libre est envahie. Steiner vit mal l'enfermement. Il invente un système pour écouter la salle de répétition, pour encadrer la préparation de la nouvelle pièce, La disparue.


Daxiat a eu vent que Steiner n'avait pas quitté la France. La générale se passe bien. Entre deux rappels, Marion dépose un baiser sur le front de Bernard. Steiner a beaucoup de remarques à faire, mais Marion n'a pas le temps, c'est l'excitation de la première qui a marché. Leur relation se tend un peu. Un soir, la troupe va au restaurant. Daxiat, qui a décrit la pièce comme "enjuivée", demande à Bernard de venir à sa table pour le complimenter. Ce dernier le somme de faire des excuses à Mme Steiner, le traîne dehors et le provoque au combat : le gros lâche fuit. Mais il rencontre ensuite Cottins : l'acte de vente de Steiner à sa femme ayant été antidaté n'est pas valable : le théâtre peut être réquisitionné, ou ils peuvent se partager la direction. Bernard annonce qu'il songe à partir dans la Résistance : Marion le giffle (pour abandon de poste ?). Ils couchent ensemble avant qu'il ne parte.


La Libération arrive. On voit Marion rejoindre Bernard, blessé, lui dire qu'elle l'aime, mais lui dit qu'il ne ressent plus rien. Elle veut rester attachée à lui. On se rend compte ensuite qu'ils sont sur scène, que tout était une comédie jouée à la Libération. Le mari, la femme et l'amant se retrouvent sur scène pour les rappels.

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le 15 août 2018

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