Plus haut il montera sur cette échelle, plus dure sera la chute. Accompagné de son fervent et maitre cadreur, Karl Freund, Murnau dépeint dans Le Dernier des Hommes une toile sociale torturante et cruelle. Ombres étendues sur des kilomètres, gestuelles et mimiques théâtrales, décors cartonnés… De tels éléments nous ramènent au surréalisme Allemand, dont Murnau en est le maitre.
Emil Jannings, éminent représentant du style Allemand - post 14-18 -, joue ici le rôle d’un portier, qui, usé par le temps et méprisé par les sommets de la pyramide hiérarchique, se retrouve déchu de son poste. Voici le plan, cette base qui nous est présentée est évidemment, sur le papier, loin d’être aguichante. C’est avec toute la dramaturge (appuyé par la somptueuse musique originale de Giuseppe Becce), les décors, les personnages, que tout le film prend son sens et réussi à rendre le moindre détail d’une puissance rarement égalée. Je pense notamment à ce traveling arrière, transposant le son d’un clairon jusqu’aux oreilles de notre cher anti-héros. Si aujourd'hui, cet effet de caméra est bien commun, rappelons qu’en 1925, cela relevé d’un certain génie inventif.
Alors, le vieil homme, déchu de son poste, est retrouvé à se soumettre aux riches clients de l’hôtel dans l’endroit le plus infecte d’un tel lieu. Mais c’est que la dignité est probablement la pièce la plus précieuse d’un esprit. A tel point, qu’il serait presque justifié d’attenter à la vérité, simplement pour conserver le respect des autres. Les « autres », qu’importe qui ils puissent être, ces « autres » jouent tous un rôle dans notre malheur.
Puis que reste-t-il ? L’eau de vie au cours d’un mariage ? Sa consommation pallierait peut être à la réalité morose et impitoyable ? Certe, si ce n’est sans compter au lendemain et ses bagages de griefs et de remords. Corps croulant sous le poids de l’âge, parfois, il faut mieux baisser la tête que s’accrocher à l’illusion.
Ainsi va la vie, la vie qui s’arrête avant l’épilogue du film, car après, il ne s’agit que d’un rêve. Les rêves n’arrivent que dans l’irréel, dans l’art, dans le cinéma, et Murnau nous le rappel en introduction du prologue : « même si cela, malheureusement, n’arrive jamais dans la vie ».