Sorti en 1976, adaptation de l'oeuvre du romancier italien Dino Buzzati, Le Désert des Tartares est un film surprenant : traitant des grands espaces et du temps qui passe, sujet souvent mal traité, car on nous endort pour montrer le temps qui passe et l'ennui des personnages, alors qu'ici le rythme reste très fort, presque effrené, et le temps passe sans que l'on s'en rende compte, les années se succèdent pendant 2 heures 20 d'une très grande intensité.

Le lieutenant Drogo est affecté à la forteresse de Bastiano, frontière d'un empire dont le nom ne sera jamais connu, devant la vaste désert des Tartares, dans lequel ne se trouve rien selon la version officielle, mais où se trouve un peuple guerrier montant des chevaux blanc selon la rumeur qui court dans la forteresse. Des signes montrent effectivement qu'un peuple est là, caché dans le désert, et le lieutenant Drogo va se trouver de plus en plus fasciné par cette idée. Tous les membres de la forteresse attendent leur arrivée, mais le temps passe, les querelles continuent à la forteresse, chacun se trouve de plus en plus détruit par l'attente, le temps et la maladie.

Le film se distingue d'abord par ses très belles images, notamment ses paysages, même si Zurlini n'a pas la touche d'Antonioni pour faire de chaque image un chef-d'oeuvre. Pourtant, cela passe quand même très bien, notamment grâce au superbe cadre de la forteresse de Bam en Iran, où est tourné une grande partie du film. Aussi, quelques scènes magnifiques, dont la première scène du dîner, où les officiers sont présentés au lieutenant Drogo, où sont mis en place les différentes personnalités en jeu dans la forteresse. Cette scène est d'autant plus tragique quand on revoit le film, car on connait ceux qui vont partir, ceux qui vont faillir, ceux qui vont mourir. Autre scène : la montée du col par les soldats de l'empire pour établir la frontière, alors que le lieutenant Amerling est malade, ce que ne savent pas les autres. Mais il monte quand même, car c'est son devoir, parce que son commandant le lui demande, le tue exprès. Car le film est aussi un récit de la bêtise militaire, de la violence hiérarchique. Dernière scène : vers la fin, quand Drogo veut regarder l'ennemi avancer à travers ses jumelles, et que l'on ne voit pas ce qu'il voit, le personnage tournant le dos au spectateur, jusqu'à ce que Drogo s'évanouisse, et que le problème ne soit pas du tout résolu. Car ce film est un récit de l'échec, de l'occasion manquée : l'attente de toute une vie qui se solde par une fuite au moment propice.

Mais c'est surtout la performance des acteurs qui fait la force du film. C'est un véritable choc des titans, avec Jacques Perrin, Philippe Noiret, Jean-Louis Trintignant pour mes préférés, ainsi que d'autres très grands acteurs, pour un casting splendide. Car le film est une aventure humaine, aux enjeux émotionnels très forts, mettant en jeu une très fine analyse psychologique, qui n'est possible que grâce à l'immense talent des acteurs. Excellent film pour rêver, se questionner, passer un bon moment de cinéma.

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le 3 janv. 2014

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