Le cinéma selon Jean-Pierre Melville. Western urbain avec Jean-Paul Belmondo. Une référence !

L'art de Melville de nous faire apprécier son cinéma... Adaptation d'un roman de Pierre Lesou, "Le doulos" est pour le réalisateur un western urbain qui se tourna en un temps record : 8 jours. Western urbain qui reprend les codes du film noir américain par ailleurs car Melville voulait en faire un film hommage à ce cinéma des années 1940. L'intrigue, elle, est centrée sur un personnage policier, le doulos. Celui qui porte le chapeau. L'indic, le mouchard. La balance. Vivre, survivre, mentir, trahir ou tuer. Être le doulos. De ce point de vue, le début narratif m'a fait penser à "L'alpagueur" lorsque Labro cite Oskar Wilde à la fin de son film. Le scénario du "Doulos" est complexe car il repose sur les personnages créés par Melville. L'épaisseur psychologique est affinée au fur et à mesure que le métrage avance, le doulos faisant en sorte à ce que toutes les parties se tuent entre elles. Personnages machiavéliques face une police des plus méfiantes. Un script parfait en somme. Elisabeth Rappeneau, la sœur de Jean-Paul, fait partie de l'équipe scénaristique. Bravo Elisabeth ! Elle a été scénariste pour son frère sur "Le sauvage", et réalisatrice sur de nombreux téléfilms. Pour "Le doulos", je ne vais pas beaucoup m'attarder sur les acteurs, tous parfaits, mais plus sur l'ambiance que Jean-Pierre Melville a pris soin d'instaurer. Glauque, parfois silencieuse, elle se fait l'âme du film tout en gardant l'essence même du film noir. Sur un début qui m'a fait penser au "Lauréat" tourné pourtant quelques années plus tard et sur un final type à l'américaine aujourd'hui, le cinéaste expose tout son talent de metteur en scène pour nous embaumer dans une atmosphère glaçante, clinquante et mirobolante au possible grâce à sa technique et au noir et blanc diablement bien maîtrisés. Et comme dans tout film noir qui se respecte il y a des monstres sacrés, "Le doulos" ne fait pas exception. Ici, la tête d'affiche, c'est bien Jean-Paul Belmondo, dans le rôle du doulos bien sûr !, qui ne fait ni le Bébel ("Le marginal", "Peur sur la ville", "L'homme de Rio"...), ni le Belmondo ("L'alpagueur", "Stavisky", "Itinéraire d'un enfant gâté"...), et ça, j'ai énormément apprécié ! Pour moi, il s'agit de son meilleur rôle même si ça fait longtemps que je n'ai vu "Le professionnel". Ici, c'est bien Melville qui prend le soin de le diriger, et non lui-même. Merci Monsieur le réalisateur ! Au côtés de l'excellentissime Belmondo, on retrouve les magistraux Serge Reggiani ("Les portes de la nuit", "Vincent, François..."...)-Jean Desailly ("Si Versailles m'était conté" de Guitry, "L'héritier" avec Bébel). On ne peut que s'empêcher de reconnaître la main dans le sac notre très cher futur compère des "Choses de la vie", Monsieur Michel Piccoli. Pour conclure, "Le doulos" reste bien une œuvre à part dans le paysage visuel français, mais bien un excellent film signé d'une patte melvillienne. Un classique du film policier à la française en quelque sorte. Quand je lis que Mann, Tarantino ou Woo se sont inspirés du "Doulos", je ne peux qu’acquiescer. Je trouve néanmoins que "Le doulos" commence à vieillir quand on compare à ces films d'aujourd'hui. Néanmoins, Melville a su s'imposer comme un maître en la matière en même pas dix films à son époque. Respect. A noter : Bertrand Tavernier et Volker Schlöndorff, respectivement les futurs réalisateurs de "L'horloger de St Paul" et du "Tambour", sont crédités au générique !!

brunodinah
6
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le 22 mai 2019

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