août 2009:

Un film particulier dans mon histoire de cinéphage : c'est la première cassette vhs que j'ai achetée, avec mon premier magnétoscope. Et pourtant cela faisait très longtemps que je ne l'avais revu. Si longtemps que je ne me souvenais pas des grandes lignes du scénario et encore moins de ses finesses. et finalement, je le voyais plus grand, plus beau, plus mythique. Il avait eu le temps de prendre ses aises dans mon esprit vagabond. Alors forcément, une petite déception, oh j'ai bien écrit "petite"; me laisse un peu tristounet à la fin du film. J'ai bien eu quelques doutes devant les interrogations de ma femme concernant l'identité du "doulos" ou/et de son degré de traitrise mais au fond la surprise était éventée bien entendu. Peut-être aussi que la déception vient du manque de sécheresse de ce film de Melville. Ca bavarde. Surtout les flics. Surtout Desailly qui tourne en rond dans son commissariat, en bavassant sans cesse sur son enquête compliquée. J'imagine qu'on peut pédaler dans la semoule à force, avec tous ces noms. Mais bizarrement, je ne me souviens pas de cet inconvénient quand j'avais vu le film plus jeune.

Alors on trouve son petit plaisir dans le travail sur les archétypes du noir, le mariage avec les caractéristiques françaises, les petits ajouts propres à ce film.
J'ai particulièrement aimé l'ambiance jazzy que Paul Mizraki bien inspiré. Et puis le travail sur la photographie de Nicolas Hayer et celui des décors par Daniel Guéret et Pierre Charron ne sont pas loin des meilleurs. Mais... manque quelque chose. Un peu de patine, du vécu? On sent trop le travail en studio. Ou peut-être qu'un dvd plus convenable que cet Opening (Le Monde) ferait voir tout cela de manière bien plus brillante? Possible. Il m'a semblé en outre que sur les mouvements le grain avait du mal àsuivre, dans les espaces sombres surtout. Dans l'ensemble c'est regardable, mais on est loin d'un Criterion.

Ce qui pourra régaler le spectateur ce sont surtout les acteurs, une jolie petite brochette encore avec un Serge Reggiani en premier lieu qui tient le rôle noir par excellence, avec un personnage cassé, ivre de vengeance comme de lassitude. Son regard au début du film dans le miroir brisé en dit long sur son trajet et son avenir. Le jeune Belmondo joue en quelque sorte le même personnage que dans Classe tous risques de Sautet, un gangster à principe, avec ici une aura d'ange prêt à déchoir, bon pour le sacrifice, un peu ingénu sur les bords. Là encore le héros se regarde dans un miroir, mais cette fois, c'est à la fin du film, ce n'est pas le même personnage et en plus vient se greffer une dimension mystique avec la forme liturgique du cadre.

On prendra plaisir devant l'apparition très courte de René Lefèvre en vieux pas si grigou que ça. On appréciera moins le fait qu'elle soit courte, celle de Michel Piccoli, tant l'acteur rayonne dans sa grande scène avec Belmondo. En peu de mots, à l'économie, il joue juste. Un pur plaisir pour qui aime les acteurs. Décidément trop courte.

Dans le casting, les femmes ne sont pas à la fête je trouve. Fabienne Dali me déplait un peu. La voix est étrange. Ce n'est pas qu'elle soit fluette mais on a tout de même du mal à l'entendre. Elle manque d'envergure. Jolie mais très fardée, dans le style de l'époque il est vrai. Son personnage est presque drôle, par naïveté, influençabilité. Sa scène de séduction avec Belmondo est rigolote. Mais un peu à ses dépends. Embobinée en moins de deux palabres.

Je m'interroge sur la présence de Monique Hennessy. Son personnage attifée à la Jayne Mansfield (Brigitte Bardot n'avait pas encore fait siens les canons de la mode) verse un poil ou deux dans le sado-maso. Si, si! Une séquence de bondage, à la limite de l'urophilie quand Bébel verse sa bouteille sur sa chevelure désenchoucroutée, très étonnante scène qui vient expliquer le fait que la blonde s'était auparavant vautrée sur le divan avec ses talons aiguilles.

En somme, un petit film noir français, avec des personnages qui pataugent dans leur enfer, en croyant y échapper. Un drôle d'objet en fait : je ne saurais vraiment mettre des mots bien définis sur mon trouble. Je ne parviens pas à y voir un très grand film. Ho, juste un bon film, ce n'est déjà pas mal, non? Certes, mais pour un Melville?
Alligator
7
Écrit par

Créée

le 23 mars 2013

Critique lue 665 fois

5 j'aime

1 commentaire

Alligator

Écrit par

Critique lue 665 fois

5
1

D'autres avis sur Le Doulos

Le Doulos
Ugly
8

L'homme au chapeau

En argot, un "doulos" est un chapeau et par extension, un indic, un donneur parce qu'il porte le chapeau comme les policiers à cette époque. C'est un film noir dans la tradition des films français...

Par

le 26 sept. 2016

27 j'aime

2

Le Doulos
oso
8

A l'ombre de l'arnaque

En adaptant au cinéma le roman du même titre de Pierre Lesou, Melville fait sien tous les codes du film noir à l'américaine pour rendre au genre un hommage vibrant et terriblement soigné. Chaque...

Par

le 30 mars 2014

21 j'aime

Le Doulos
lessthantod
9

Il faut choisir, mourir ou mentir

Le Doulos est un film noir particulièrement intelligent, au scénario palpitant et à la mise en scène très soignée ... du Jean-Pierre Melville, quoi ! Alors je ne sais pas si c'est le meilleur film de...

le 25 mai 2019

20 j'aime

13

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime