Après Elser, un héros ordinaire en octobre, place à Saul en Novembre. Le premier était inspiré d'un personnage réel, le second déambule dans l'horreur réelle d'un camp d'extermination. Pour son premier film, Laszlo Nemes signe un film esthétiquement réussi, mais souffrant d'une narration simpliste.


Saul (Géza Röhrig) fait parti des Sonderkommando, ce sont des déportés utilisés par les SS pour faire le sale "travail". Ils accueillent les convois, avant de les accompagner dans les chambres à gaz, puis de nettoyer, avant la prochaine fournée....Un garçon survivant temporairement à cette extermination, va le bousculer et réveiller son humanité perdue dans cet enfer.


Un exercice de style. Doit-on faire preuve d'un esthétisme excessif pour représenter une des horreurs de la seconde guerre mondiale ? Doit-on tout mettre dans la forme, en mettant de côté le fond, en jouant sur l'émotion du spectateur ? Certes le sujet est douloureux, on ne peut pas rester insensible devant les exactions commises par les nazis. Mais en se contentant surtout de jouer là-dessus, Laszlo Nemes oublie de raconter une histoire consistante. Sa réalisation à ses avantages et défauts. Il suit Saul (Géza Röhrig), en floutant ce qui se passe autour de lui. On est comme en immersion, la caméra est collée à cet homme, donnant l'impression d'être aussi déshumanisé que ceux qui se servent de lui, pour nettoyer ce sang. On n'entend les cris, des mots énoncés dans différentes langues et comme lui, on est impuissant face à ce drame.
Au début, on est dans l'angoisse. On ne sait pas où l'on se trouve. On est dans les pas de Saul. On est dans le flou au sens propre, comme au figuré et quand l'on comprend, c'est l'effroi. On ne peut décrire l'horreur qui se déroule derrière ses murs, tellement elle est insoutenable. On est pris à la gorge et on va avoir du mal, à refaire surface. Mais en prenant le parti de suivre Saul en permanence dans sa quête pour trouver un rabbin, le réalisateur tente de créer des situations où sa vie est mise en danger. Certes, sa vie; si on peut appeler cela comme ça; approche de sa fin. Il est condamné à mourir des mains des SS, qui se servent de lui et de ses camarades. A moins qu'il ne s'échappe, mais comme il lui sera reproché : il semble plus faire attention aux morts, qu'aux vivants. Pendant ce temps, le film s'étire et présente des situations abracadabrantes ou il flirte constamment avec la mort, où celle-ci semble avoir élu domicile. Une certaine lassitude s'installe et on en revient à cet esthétisme, qui en devient indécent face aux exactions commises.


On avait aussi reproché à Tony Kaye, son esthétisme dans American History X. A la différence, qu'il racontait une histoire avec divers personnages et des scènes plus éprouvantes les unes que les autres. Mais ici, elle n'est pas au service du récit, vu qu'elle est aussi épurée que le jeu de son acteur principal Géza Röhrig. L'émotion se dissout dans les hors champs. C'est beau, mais dérangeant. Mais pas face aux faits, l'horreur est peut-être arrivée trop tôt, où à force de traiter ce sujet, encore et encore, 70 ans après, on serait immuniser, ce qui serait grave.
Le devoir de mémoire est important, mais comme les médias nous abreuvent de corps ensanglantés et de nouvelles pessimistes, un détachement s'installe, en se réfugiant dans sa bulle pour éviter de tomber face à ce monde en mort cérébrale. Puis la Shoah est devenu un genre, on ne compte plus les films traitant du "sujet". Ce n'est pas la forme, qui va changer les faits, ils restent toujours aussi impardonnables. D'autres drames ont malheureusement eu lieu depuis, on apprend pas du passé et on se retrouve frapper en plein cœur de notre France. Peut-être n'était-ce pas la meilleure des idées de voir ce film, après les attentats, mais avec Aladin en face le choix s'imposait de lui-même.


Le film est visuellement beau, mais utiliser ce terme face au drame qui se joue devant nos yeux, me dérange. C'est difficile de rester insensible face à ces horreurs, on a la gorge nouée au début et la peur de finir en larmes, se fait violemment ressentir. Mais la quête de Saul se perd dans l'absence d'émotions venant de son esthétisme. Le Grand prix du jury au festival de Cannes 2015, se révèle aussi vain que la palme d'or Dheepan de Jacques Audiard.

easy2fly
4
Écrit par

Créée

le 17 nov. 2015

Critique lue 724 fois

5 j'aime

Laurent Doe

Écrit par

Critique lue 724 fois

5

D'autres avis sur Le Fils de Saul

Le Fils de Saul
guyness
5

Exercice d'hostile

Le premier quart d'heure est terrassant de puissance. La façon qu'à László Nemes de suivre Saul à hauteur d'épaule est aussi redoutable qu'efficace. D'abord parce que cela oblige le spectateur à...

le 20 nov. 2015

68 j'aime

11

Le Fils de Saul
Shania_Wolf
5

Saul Madness Returns : Les Coulisses de la Mort

Je suis presque honteuse au moment de reconnaître qu’un film d’une telle force m’a laissée de marbre. Et cette culpabilité même rajoute à mon antipathie. Car si ce film sait par instants se montrer...

le 4 nov. 2015

60 j'aime

11

Le Fils de Saul
Strangelove
6

Better Call Saul

Saul est un exploité dans le camp d'Auschwitz comme il en existe des centaines d'autres. Il dirige les juifs depuis les trains jusque dans les douches avant de récupérer les cadavres et les amener...

le 13 nov. 2015

59 j'aime

18

Du même critique

It Follows
easy2fly
4

Dans l'ombre de John

Ce film me laissait de marbre, puis les récompenses se sont mises à lui tomber dessus, les critiques étaient élogieuses et le genre épouvante, a fini par me convaincre de le placer au sommet des...

le 4 févr. 2015

63 j'aime

7

Baby Driver
easy2fly
5

La playlist estivale d'Edgar Wright à consommer avec modération

Depuis la décevante conclusion de la trilogie Cornetto avec Dernier Pub avant la fin du monde, le réalisateur Edgar Wright a fait connaissance avec la machine à broyer hollywoodienne, en quittant...

le 20 juil. 2017

56 j'aime

10

Babysitting
easy2fly
8

Triple F : Fun, Frais & Fou.

Enfin! Oui, enfin une comédie française drôle et mieux, il n'y a ni Kev Adams, ni Franck Dubosc, ni Max Boublil, ni Dany Boon et autres pseudos comiques qui tuent le cinéma français, car oui il y a...

le 16 avr. 2014

52 j'aime

8