En 2014, Miyazaki annonçait sa retraite après un dernier film, Le vent se lève. L’animation japonaise perdait donc son maître mais elle peut désormais compter sur deux sérieux prétendants, à savoir : Isao Takahata (Le tombeau des lucioles, Le Conte de la princesse Kaguya, Pompoko) et Mamoru Hosada (La traversée du temps, Summer Wars, Les enfants loups, Le garçon et la bête). La retraite de Miyazaki et la mort de Satoshi Kon (Perfect Blue, Paprika) laissent envisager un bel avenir à ces deux réalisateurs talentueux aux imaginations débordantes. Mamoru Hosoda s'est révélé au grand public français en 2012 avec son troisième film: Les enfants loups, Ame & Yuki. Il est de retour en 2016 avec une œuvre énergique et une esthétique éclectique. Les thèmes favoris du nouveau possible maître de l'animation japonaise sont retrouvés ici : la famille, l'éducation, l’absence et l'enfance, avec l'omniprésence de l’animal et même sa domination sur l'homme.


Ici, l’œuvre se concentre sur deux mondes surchargés en fantaisies:
- Shibuya, le monde des humains. Ce monde est celui que nous connaissons, un Tokyo ultra-moderne et ses millions d’humains aux airs tristes et déprimants, où les émotions semblent effacées des traits des visages des passants.
- Jutengai, le monde des Bêtes. Une sorte d’univers parallèle aux personnages sauvages. Leur méfiance des humains est une de leur principale caractéristique, cette méfiance a pour origine la peur du côté sombre qui habite chaque être humain, un côté obscur qui a la possibilité d’envahir les plus faibles dans leurs instants de colère. "Bis repetita placent".
Notre personnage principal, Ren, va donc passer du premier monde au deuxième à force de solitude, de désillusions et de tristesse pour ainsi rencontrer Kumatetsu l’ours mal léché au caractère tout aussi foisonnant que celui du jeune Ren.


C’est donc dans cet univers riche et avec ces personnages tout aussi originaux les uns que les autres que l’intrigue se déroule. L’imposant Kumatetsu doit former son petit disciple de 9 ans, et la relation maître-élève va devenir une sorte de complémentarité nécessaire aux deux comparses. C’est sur cette relation d’interdépendance que le film tire tout sa qualité et surtout tout son humour, relation qui au fur et à mesure des années qui passent va devenir filiale. On s’attache à leurs disputes, à leurs caractères forts mais surtout à leur sensibilité d’individus dont la solitude s’était emparée. C'est cette même sensation de solitude qui a poussé nos deux amis dans leurs errances qui ont entraîné leur rencontre.


Le petit hic ici, s’il en est vraiment un, c’est que Mamoru Hosoda s’attaque à des thèmes usés par ses prédécesseurs, comme la quête d'identité, la mythologie animale, le combat entre le bien et le mal. Même si le réalisateur semble les régénérer, la sensation de déjà vu nous envahit quelques fois. Par ailleurs, certains passages ont une appartenance trop commune au manga ordinaire, par exemple les deux premières minutes. La principale question à laquelle le film répond est : comment grandit-on ? La réponse réside dans l’apprentissage d’autrui, à l’image du duo Ren-Kumatetsu, de la relation entre Ren et son père, celle entre Ren et Kaede et celle entre Ren et la littérature ou la connaissance intellectuelle plus largement.


Le quatrième film de Mamoru Hosoda est l’histoire d’une relation père-fils qui n’en est pas une, un duo tragi-comique complémentaire représentatif de la dualité de l’homme. Une fresque de notre civilisation moderne et de ses travers haineux auxquels le bien doit résister coûte que coûte. Bref, un long-métrage d’animation plaisant, rempli d’injures mais surtout de bienfaits moraux. Le duo, pourrait ressembler pour ma part, à une relation professionnelle et respectueuse où Hayao Miyazaki serait le maître et Hosoda l’élève. L'univers n'est pas aussi envoûtant que celui d'un Miyazaki mais Hosoda est sur la bonne voie pour devenir le plus grand aspirant au titre de nouveau seigneur de l'animation nippone.

baptistevanbalbergh
7

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le 18 janv. 2016

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The Passenger

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