Du cinéma rêche et sublime, de la vie mise à nu, en tranches, près de l'os. Un refus du préfabriqué, le prix à payer pour exhausser ses personnages au-delà des comédiens... De ce point de vue Le Garçu, le dixième et ultime long métrage de Maurice Pialat, est aussi l'un des plus beaux. Parce qu'il viole délicatement l'intimité d'un Gérard Depardieu ( ici potentiel alter ego du cinéaste ) pour mieux redéfinir toute forme de convention réaliste, notion critique des plus éculées tant revendiquée par certains, ici balayée avec élégance par Pialat.
Autant synthèse magnifique de son Oeuvre décalogue que retour aux sources d'humeur chagrine évoluant en même temps que le personnage de Gérard ( l'acteur, ogre n'obéissant qu'à ses désirs, est ici de pratiquement toutes les scènes ) Le Garçu est un chant du cygne amèrement doux, sporadiquement aigrelet, bouleversant toujours - ou presque. Tout Pialat y réside : les hommes sensuels péchant par excès de cruauté, les femmes misérables par souci de vanité, l'accompagnement vers la Mort de La Gueule Ouverte, les motos et les blousons noirs de Loulou, L'enfance Nue et les rapports amoureux vaches de Nous ne vieillirons pas ensemble... On y assiste, touchés par la grâce des premiers moments, aux babillages goguenards du petit Antoine, face au gâteau paternel représenté par un Depardieu tout à tour meurtri, riant de désespoir en attendant d'y passer lui aussi, drapé dans son indolence exemplaire, entre attraction et répulsion... C'est fascinant de personnalité, étranger aux justifications ou au bon sens moral, quel qu'il soit. C'est somptueusement filmé car anti-virtuose et d'autant plus habité par ses acteurs et actrices, éminemment précieux dans sa gratuité.
Un film de, par et pour Maurice Pialat, film de langue mal léchée et de gros ours doucereux. Un Garçu parlant avant tout et surtout de la vie à travers les âges, de nos amours et de nos envies, des regrets et des espoirs revenant jusqu'à l'écœurement de toute la sphère des lieux communs du monde des mortels. Il est grand temps de revenir à deux, trois et pléthore d'autres fois au cinéma névralgique, moderne et sans complaisance du grand et regretté Maurice Pialat : unique.