Si ‘Yôjinbô’ fait très vite penser à un western nippon, par le mystère qui entoure son personnage principal et le décor que représente la rue principale de la ville, le scénario s’écarte très vite des codes du genre. D’une part, les pistolets sont remplacés par des sabres, mais surtout, les personnages mis en scène ne correspondent pas aux archétypes du genre. Certes Sanjuro est un guerrier taciturne et solitaire, mais les deux rivaux Seibei et Ushitora sont des grands parleurs pleutres qui n’auraient pas leur place dans le grand Ouest.

De cette situation étonnante où un village est paralysé par la rivalité entre deux peureux, Sanjuro s’emploie alors à résoudre le conflit à sa manière. Ainsi, le samouraï s’engagera auprès de chaque adversaire et stimulera leur colère en s’appuyant sur son double jeu. Le concept semble très intéressant dans ses premiers mouvements, mais la justice incarnée par le garde du corps révèle vite ses limites, et même son absurdité. Autant son engagement auprès de Seibei, sa démission et l’esbroufe de bataille qui suivra sont amusants, autant la suite des évènements prouvent que le samouraï ne suit pas de plan, et qu’il est en réalité aussi joueur que les jeunes villageois.

En fait, Sanjuro n’est ni un mercenaire au bon fond, ni un sage justicier. Et c’est pourquoi l’intrigue perd de son intérêt. Certes, ce personnage est fascinant, mais il n’est jamais captivant, car il ne se remet jamais en question, même lorsqu’il est fait prisonnier. Pire, la conclusion du récit est incompréhensible. Alors que ses interventions ont mené Seibei et Ushitora dans un bain de saing, que le village est ravagé, le samouraï annonce que la paix est revenue. De ce fait, le scénario est franchement décevant et on s’inquiète même de la morale du récit. Les vies de dizaines de soldats, aussi coupables soient-ils, valaient-elle vraiment celle d’un homme qui a joué sa propre femme aux jeux ?

Malheureusement, le ratage du film ne tient pas uniquement au scénario. Certains partis pris du réalisateur sont particulièrement dommages. En premier lieu, la bande-originale. Non seulement le thème est très décalé par rapport au récit, mais il n’est même pas agréable à écouter. Par ailleurs, certains seconds rôles sont déplorables. Le chef de police notamment suit une logique tout à fait irréaliste.

En revanche, Akira Kurosawa excelle dans sa mise en scène. Non seulement la narration est rythmée et fluide, mais le cadrage est impeccable. Mieux encore, les plans sont longs et mettent en valeur les performances des acteurs. Toshiro Mifune est très bon, malgré son rôle alambiqué, tout comme le vieillard de l’auberge qui l’accueille.

Raté à cause de son intrigue.
Kroakkroqgar
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le 1 févr. 2014

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