Un samouraï débarque dans un village divisé entre deux clans, et va tour à tour s'allier au plus offrant. N'est-ce là qu'une simple soif de l'or, contre vents et marées, enchères et contre tous, comme on la perçoit dans de nombreux westerns - genre auquel on peut légitimement rattacher la présente œuvre du grand Akira – ou bien l'âme humaine renferme-t-elle plus de grandeur qu'on ne croirait de prime abord ?


A cette question, l'homme derrière Les Sept Samouraïs répond sans détour, à l'aide de son seul personnage principal: Toshirô Mifune dépeint ce Sanjuro sans jurer. Charisme au firmament, virtuosité au moment de manier le sabre ou plus simplement d'écouter et de manipuler les groupes auxquels il feint de se rallier, il représente une certaine noblesse de par ses actions, en dépit d'un air taciturne et d'une apparence de vagabond. Tout-puissant aux yeux d'autrui, il reprend des traits de simple mortel lorsqu'il sera à son tour maltraité et laissé pour mort. Sentiment renforcé par sa soif de vengeance profondément humaine précédent un baroud d'honneur, une sortie triomphale. Face à lui, Tatsuya Nakadai prête ses traits à Unosuke, samouraï fringuant, troquant volontiers lame de feu contre arme à feu. Plus fourbe, dissimulant sans cesse son joujou de mort sous son vêtement, il tentera tant bien que mal de faire jeu égal avec l'indomptable Mifune. Autour de ses deux monstres, Akira implémente nombre de personnages essentiels au bon déroulement du récit. Gonji le tavernier, le fabricant de cercueils, Tokuemon, le géant Kannuki (ironiquement, l'acteur se nomme d'ailleurs Namigoro Rashomon), ou les chefs de clans, Seibei – avec sa femme et son fils (Seibei à trois têtes?) et Ushitora. Et c'est quand vient la Nui que tout s'obscurcit.


La caméra de Kurosawa met une fois encore en valeur tout ce qui passe dans le cadre. Les acteurs, en plans rapprochés, ou larges, fixes, ou travellings. De nombreux détails, un noir et blanc somptueux quand la pluie devient battante. Et en parlant de battre, les combats battent des records de lisibilité, de fluidité tandis que les bâtards apeurés battent en retraite tambour battant devant une bataille perdue d'avance. Outre ces séquences hautement animées et enjolivées par une musique absolument splendide, même le plus simple des plans a été préparé avec soin. Cela se ressent notamment sur des dialogues filmés caméra posée. Echanges qui ne sont jamais aussi anodins qu'il n'y paraît. L'humour est également de la partie, et c'est là l'une des grandes forces du film, à mon sens. Réussir à parsemer dans une histoire de conflit fait de lame et de larmes, un désamorçage d'une grande finesse. La sobriété et le sérieux reprendront toutefois leurs droits lors du virage final, climax absolument dantesque et impitoyable dans lequel Sanjuro donne le la en même temps qu'il sonne le glas.


Gros coup de cœur que ce Yôjinbô, grâce à un Mifune classieux comme rarement, un récit à la fois intime et dense, se clôturant en moins de deux heures. Pour ma part ce Kurosawa tient une place particulière à mes yeux, il me reste encore tant à découvrir du Maître ! En attendant, passée la stratégie et l'attentisme, et à l'issue du carnage au milieu des pécores, on ne pourra plus dire que le garde décore !

Gothic
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le 13 mars 2016

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