Le dixième film de Wilder est également son préféré. Celui qui a tourné pour Curtiz, Walsh, Wyler, Wilder, Hawks, Minnelli, Dmytryk, Litvak, Fleisher, Hathaway, de Toth, Vidor, Cukor, Kubrick, Kazan ou encore Huston y interprète une ancienne vedette du journalisme qui, à la faveur de la couverture de l'ouverture de la chasse aux crotales, récupère un fait divers banal (l'effondrement d'un habitat indien troglodytique sur Léo, le pompiste du coin improvisé chasseur de trésor) pour en faire un scoop national et retrouver son prestige d'antan. Le lendemain de la première édition dans un journal d'Albuquerque du scoop potentiel, une voiture sur la route des vacances s'arrête à la station service qui jouxte la montagne indienne. Des dizaines, des centaines puis des milliers suivront. Le racolage de Tatum (c'est le nom du chasseur de scoop) fait son œuvre, le barouf médiatique le reste. Ils sont maintenant des milliers amassés devant la montagne. Une vraie petite ville ville s'est érigé avec son glacier, sa grande roue et son groupe de country. Devant la proportion incroyable que prend l'évènement ils sont de plus en plus nombreux à se ranger derrière la star du journalisme voyant qu'il y aurait bien là quelques avantages pécuniaires à la clé. C'est ainsi que Tatum se mettra dans la poche le shérif du comté, qui lui assurera l'exclusivité du scoop en éloignant la concurrence moyennant une couverture médiatique exceptionnelle pour se réélection, la femme du pauvre Léo, qui après 5 années de mariage au milieu de nul part avec n'importe qui (désolé Léo) désire se refaire la cerise et tracer la route, et le responsable de travaux, qui pourrait tout aussi bien sortir notre homme de sa grotte dans les 16 heures en étayant suffisamment le passage que sous 7 jours en forant la roche histoire de faire monter les enchères.
Pas besoin de faire de dessin, Wilder met le paquet. Sa diatribe contre le pouvoir des médias et la presse à scandale (et à travers elle, le reflet des attentes et du goût du public) a le goût du sable et du sang. Elle a l'allure d'une parabole biblique. Elle est poussé à son paroxysme quand Tatum, se sachant au seuil de la mort, lâche le morceau à son ancien employeur quant à leur supercherie, afin d'en faire un scoop. Un de plus. Douglas livre une des compositions les plus terrifiantes de l'Histoire. Il est énorme en manipulateur carnassier dirigeant en véritable chef d'orchestre son petit monde cupide. D'autant plus quand on sait que la même année, il a joué pour Wyler le rôle d'un flic camé à la vérité. Sans foi ni loi, prêt à tout recouvrer sa gloire passée et faire un scoop, il ne recule devant rien. "Les mauvaises nouvelles c'est ce qui se vend le mieux. Les bonnes nouvelles, ce ne sont pas des nouvelles". Cette courte expression teintée de cynisme pourrait être son leitmotiv, tout comme quand il explique à son jeune assistant que si le public se moque des millions de chinois en train de mourir, il peut au contraire s'intéresser au drame d'un seul homme. Ce qu'il appelle la dimension humaine. Quand le pauvre Léo reçoit les derniers sacrements, on le croit momentanément sur son chemin de croix, en quête de repentance. La fin prouvera que non. La montagne indienne surnommée "montagne des sept vautours" n'avait jamais si bien porté son nom. Les rapaces étaient bien là ces jours-ci. Et ils planaient bien bas.
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