Voilà. C'est fini. Le dernier volet sort au cinéma et on va enfin avoir droit à la conclusion de cette deuxième trilogie pour le moins... dispensable. Le premier volet m'avait surpris par son côté... ben en fait, si proche du roman, marqué par l'heroic-fantasy à l'ancienne, virant finalement au film à sketchs. Le second essayait d'avoir une histoire plus cohérente mais était quand même bien alourdi par ses longueurs quasi-historiques. Le troisième opus a donc la tâche ardue de faire de cette trilogie quelque chose de cool en parvenant à la conclure de belle manière. Ardue parce que ce long-métrage n'avait pas lieu d'être, l'histoire contée par "Le Hobbit" prenant fin bien plus tôt. Ardue parce qu'il n'y a pas encore ce grand méchant, pas d'antagonistes sérieux à mettre face aux héros. Ardue enfin parce les deux précédentes itérations ayant tant peiné à convaincre, ce nouveau volet dans les Terres du Milieu marque l'au revoir qui doit décider du souvenir que nous laissera le périple...

Et c'était pas gagné d'avance, ça non. L'histoire, c'est quand même celle de treize nains qui veulent récupérer leur royaume, quoi. Ce qui laisse à penser que la notion de royaume est assez vaste, dans les Terres du Milieu. Pour ceux qui ont raté les épisodes précédentes, de toute façon, ils y parviennent - on s'en doutait - et le centre du scénario va s'orienter davantage sur les intérêts suscités par la mort du dragon. A présent que le gardien des fortunes logées sous la montagne est mort, plusieurs peuples vont s'intéresser de près aux ressources qui s'y cachent. D'un côté, donc, les Elfes qui clament la propriété de plusieurs pierres volées à leur peuple par le passé et dont ils demandent la restitution, de l'autre les humains qui, chassés de leurs terres par Smaug, exigent compensation (et paiement de la dette de Thorin) et enfin, les Nains, menés par ledit Thorin, qui ne veulent rien lâcher parce que, bordel, c'est leur foutue montagne, c'est à eux qu'il est, le trésor, allez tous vous faire foutre.
Le grand intérêt du film va donc se situer essentiellement dans la montée en puissant des antagonismes, dans la recherche vaine d'un accord entre les peuples concernés jusqu'à ce que finalement, la guerre éclate. Le côté intéressant relève surtout de la capacité à montrer plusieurs protagonistes, introduits précédemment, qui se dressent progressivement les uns contre les autres, jusqu'à explosion de la situation. Et une fois que la situation éclate, bordel, c'est la guerre ! Mouvements de troupe, stratégie (légère, mais quand même) et flancs enfoncés, percées réussies, prises en tenaille, ça taille et ça coupe pendant un bon petit moment. La bataille saura d'ailleurs ravir les grands fans de Warhammer Battle tant on a l'impression d'y retrouver nombre des détails propres au jeu de plateau (jusqu'au seigneur nain monté sur son sanglier de guerre caparaçonné !). D'ailleurs, la notion Warhammerienne sera sans doute importante à conserver en mémoire tant les rapports de force paraîtront rapidement brumeux : à l'image du wargame, un héros semble bel et bien valoir plusieurs dizaines de péons et toutes les troupes ne sont pas vraiment égales dans leur capacité à débiter leurs opposants...
C'est d'ailleurs ce qui pourra assez vite choquer : la bataille semble perdue d'avance, démarrant de façon assez vraisemblable, avec donc des mouvements de troupe plutôt logique, jusqu'à ce que, de héros invincibles en deus ex machina, elle finisse par être remportée. On a quand même, à un moment donné, une armée qui, en sous effectif, décide de charger car elle se voit octroyée le renfort d'une douzaine de soldats supplémentaires... là, on est plus dans Warhammer 40k que dans son équivalent heroic fantasy. C'est d'autant plus dommage que la bataille aurait pu s'étirer sur plusieurs jours, les armées auraient pu se retirer, se reposer, retenter des manoeuvres. Cela aurait peut-être permis des aérations au récit. En l'état, les aérations sont souvent trouvées dans des sidequests pas forcément passionnantes ou méritées. On trouvera ainsi les pérégrinations d'un Legolas qui se déplace à la vitesse de la lumière sur de longues distances, les errements assez burlesques et maladroits d'un Thorin en proie à la folie... j'aurais vraiment préféré voir une bataille plus longue mais aussi, plus posée.
Et la bataille n'est que le moindre des soucis. On revient en force avec la romance Kili/Tauriel, unanimement conspuée et pire, on se retrouve même avec un personnage horripilant en plus, l'ancien bras droit du maire, personnage "comique" comme un Jar Jar peut l'être et qui, pourtant, traverse le film jusqu'à ce qu'on ait plus besoin de lui et qu'il disparaisse sans plus de destin. La classe. On se retrouve aussi avec des morceaux de bravoure qui semblent sortis de la bataille : par exemple, on annonce qu'une troupe ennemie doit intervenir à un endroit précis, mais comme les héros s'y trouvent, le temps se dilate soudainement et le renfort se fait attendre. Pareil, n'importe quelle arme, entre les mains des protagonistes, est mortelle. Dont des pierres, lancées en plein visage et qui one-shotent pénard les forces adverses. Une somme de petits détails qui viennent à chaque fois arracher le spectateur à l'action du film. Et il y en a des bien hards, comme l'intervention de Galadriel, assez étrange car plutôt bizarrement gérée par le numérique. On dirait un simple calque photoshop, ce qui est surprenant quand on voit les grands mouvements de bataille...
Et pourtant... ben j'ai quand même bien aimé. Richard Armitage reste très crédible et même puissant dans son rôle de Thorin, Luke Evans est toujours parfaitement convainquant, Lee Pace est cool à souhait et plusieurs des personnages secondaires s'avèrent assez chouettes. Martin Freeman joue encore à merveille sur son english attitude et dans son rôle de Bilbon, ça fait des merveilles et Ian McKellen arrive toujours à rendre Gandalf sympathique. Je râle d'ordinaire contre les CGI mais à deux trois exceptions, ils sont plutôt cool et permettent surtout de découvrir le théâtre dantesque de l'action. On note aussi quelques séquences un peu plus classes que les autres, comme la baston sur une tour couchée, l'assaut de Smaug sur Lacville, le duel entre Thorin et Azog, qui viennent bien contrebalancer certaines plutôt ratées (Thorin insane in the membrane - of gold).

Et puis, pourquoi bouder son plaisir ? Le souffle épique est attendu depuis deux films, alors voilà. J'aurais certes aimé un traitement plus vraisemblable de la bataille (les méchants interrompent par exemple les armées adverses avant qu'elles ne s'envoient sur la gueule entre elles... pourquoi ?), mais ce n'est pas grave : l'essentiel est enfin là. A ce titre, j'ai lu plusieurs réactions se plaignant que le film n'était pas assez rattaché au Seigneur des Anneaux, chose qui me surprend toujours. "The Hobbit" est simplement sensé être une trilogie se déroulant avant l'action du SdA, et non une "prélogie" comme pour Star Wars... j'ai parfois l'impression que les gens attendaient une sorte "d'explication" des origines de Sauron et des alliances de certains partis, chose à mon sens renforcé par les caméos de nombreux personnages qui n'ont pas grand chose à faire là (Elrond, coucou ! Saroumane, bisou !). Cela nuit quand même à la lecture de l'épisode, parce que cela induit simplement une lecture en continu sur le début du Seigneur des Anneaux et rend les enjeux (la prise de la Montage), finalement assez peu clair : pourquoi ne pas aller vandaliser le Mordor tant que l'Oeil n'est pas pleinement en pouvoir ? A mon sens, l'erreur de cette trilogie se loge quelque part dans cette intention un peu erratique et maladroite...
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le 13 déc. 2014

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