Symphonie pour orchestre absent
Que dire que dire. C'est vrai, c'est pas facile à la longue. Car lorsqu'on se trouve devant ça on ne sait pas quoi dire, alors on cherche à gagner du temps. Le public attend, le rédac-chef aussi, la deadline est proche, une demi heure. Si ton texte n'est pas prêt ben tu passes pas et il y à un problème éditorial, pour ta pomme. Mon sang que dois-je donc écrire ?! Je sais pas, je sais vraiment pas. Comment faire pour parler et en rien dire en même temps souligner le fait qu'on ne cherche à ne rien dire. Time, that is the question. En r'tard, en r'tard, je vais être en r'tard ! Et si je le suis, mon boss me coupera la tête, m'enverra d'un coup de pied au bas du dos dans le purgatoire des pigistes en panne de non inspiration. Réfléchissons, réfléchissons, REFLECHISSONS ! Quels trucs et astuces d'auteurs ais-je déjà vu pour gagner de la place ? Ah oui, ya les auteurs de cycles et de séries, décrivant de nouveau le physique de leur personnage principal (et pourquoi pas tous les secondaires au début de chaque tome, gagnant cinquante pages pour réexpliquer tous les enjeux des tomes précédents, comme ça le sitcom peut être repris à n'importe quel livre. D'une certaine façon ça sert pas vraiment la vente des épisodes précédents vu qu'il suffit d'acquérir le dernier tome pour saisir tous les enjeux. Mais là ce n'est pas une suite donc pas moyen. Bon sang que dire que dire QUE DIRE ? Ah oui, je sais. Les auteurs du XIXième. Combien étaient-ils à pondre des lignes excédentaires sans rien dire juste pour atteindre leurs lignes dans les journaux qui publiaient leur premières nouvelles. Hé hé oui c'est bien vu ça, on va faire comme Jules Vernes dans 20 000 lieues sous les mers. Je vais prendre l'encyclopédie du bestiaire fantastique et citer toutes les bêtes les unes après les autres, comme lui citait une encyclopédie à poissons, ça me fera gagner des lignes. Le problème c'est que j'ai pas de truc pareil sous le main Aaarg ! Bon sang qu'écrire qu'écrire ? Mais comment expliquer que ce film débute et finit sans avoir lancé un début de trame ? Comment expliquer que ce n'est pas en prenant une caricature d'officier franquiste qu'on obtient le socle de toute bonne histoire, à savoir un bon méchant ? Comment expliquer qu'en 1944, le sort des reliquats des gauchistes espagnols armés n'a plus aucun intérêt scénaristique ou en tout cas pas présenté de cette manière et d'autant plus qu'ils ne sont là que pour le décor, que cet aspect secondaire de la pseudo intrigue n'a même pas fait l'objet d'une tentative de peaufinage ? Comment expliquer que l'intrigue principale, fantastique, est foutue par terre par des effets spéciaux à la ramasse, des personnages sans intérêt et une mise en scène catastrophique ? À tel point que le cet officier espagnol finit par devenir le personnage le plus intéressant tant il est stupide. COMMENT expliquer que le sort des personnages indiffère totalement le spectateur tant ils sont insipides ? Comment expliquer que del Toro nous assomme avec quelques scènes choc et pseudo-choquantes (elles ne sont même pas bien filmées), insuffisantes pour masquer l'absence du reste et surtout la surabondance de poncifs ridicules. Comment expliquer que ce film n'explique rien, n'apporte rien, n'imagine rien et ne laisse aucun souvenir si ce n'est d'avoir perdu temps et finance ?
Mais par tous les saints et le panthéon gréco-romain ! J'y suis arrivé. Super ! Je serai payé quand même pour n'avoir rien dit. Pas grave me dit mon chef, il n'y avait rien à dire, et la note vient de passer de deux à un.