Les voitures, ça me tape un testicule sans bouger l'autre. Mais Le Mans '66 m'a titillé dès le premier trailer , pour plusieurs raisons. Déjà son réal', James Mangold, à qui on doit le sympathique et relativement couillu Logan, ses deux têtes d'affiche Matt Damon et Christian Bale (qui a lancé la mode insupportable du Batman à la voix de cancéreux clopeur en phase terminale), et surtout son cadre: la course du Mans. Je ne me rappelle plus que jeu de caisse j'avais essayé plus jeune, mais je me souviens du traumatisme laissé par ce circuit sur le piètre conducteur virtuel que j'étais et suis encore (probablement, je joue plus à ça). Un circuit avec une certaine aura donc, qui peut créer un enjeu assez cool.


Le film raconte la bataille véridique entre Ferrari, éternel vainqueur du fameux circuit, et Ford, constructeur qui ne se concentrait jusque là que sur la production en chaîne de bagnoles pour bon petit américain; mais ça c'était avant que Henry Ford II (petit fils du fondateur) décide qu'il a envie de casser de l'Italien après qu'Enzo Ferrari lui manque de respect. Il engage alors Caroll Shelby (Matt Damon), ancien pilote et seul américain (en tout cas à l'époque) à avoir franchi premier la ligne d'arrivée en France, pour qu'il lui construise LA voiture permettant de poser ses bonnes grosses couilles d'outre-atlantique sur la table. Shelby fera alors appel à son ami et très doué pilote, quoiqu'au caractère bien trempé, Ken Miles (Christian Bale) pour l'aider dans cette tâche et, si le cols blancs de Ford Company le veulent bien, conduire au Mans le moment venu.


Voilà pour le pitch résumé, qui n'est pas le plus surprenant qui soi, mais qui reste assez efficace pour raconter cette histoire. Plus que le scénario cependant, ce sont surtout les scènes de course qui m'ont plues. Là où la plupart des films américains à gros budget abusent à mort sur des cuts incessants pour créer l'illusion de mouvement et de nervosité de l'action, ce qui a pour conséquence une séquence incompréhensible et insupportable et un bon gros mal de tête, Mangold rend les phases de courses vraiment agréables à regarder, laissant respirer ses plans (dans la mesure où ça reste un film où les voitures, quand-même hein) et n'hésitant pas à parfois placer la caméra du point de vue cockpit, à la place du pilote, pour une immersion renforcée et une variation de point de vue appréciable. L'image est très propre, cet aspect ayant même réussi à me faire capter une infime partie de ce qui fait l'essence de la passion de certains pour les belles cylindrées. La voiture de course est dans ce film mise en valeur, et pas seulement jetée à la gueule du féru de machins qui font vroum vroum pour l'exciter bêtement et méchamment. Le sound design participe aussi grandement à cette réussite.


Le jeu d'acteurs est satisfaisant. Matt Damon n'est pas transcendant mais avec son niveau de jeu cela reste toujours efficace. Christian Bale est lui assez jouissif dans son rôle de british insupportablement doué et grande gueule. C'est parfois un peu forcé mais sa performance reste franchement fun à voir. D'autant qu'en me basant sur les photos du vraies Ken Miles, il semble que le jeu et les mimiques de Bale soient vraiment fidèles, ce qui tend à forcer le respect et évoque uun hommage sérieux au personnage.


Mais tous n'est pas rose au pays de l'essence. Certains personnages, notamment Henry Ford II et son vice-président, semblent avoir été écrits pour simplement donner le change à Shelby et Miles et pour donner raison à ce dernier quand il dit que les mecs d'entreprise en costard essaieront toujours à un moment ou à un autre de t'entuber. C'est surtout vrai pour le vice-président, qui, simplement parce que Miles lui dit au début du film qu'un nouveau modèle de voitures de Ford pue le caca, décide de le pourrir pendant TOUT le film. C'est un peu gros, surtout quand cet antagonisme repose sur un seul échange de 10 secondes au début du film... Je veux bien qu'il y ait des trous du cul sur cette planète mais les méchants Messieurs qui sont pas gentils avec le gentil petit pilote, ça sent un peu le renfermé et ça manque de nuance, surtout pour un film qui se veut plus subtil que du Fast and Furious. Quant au Big Boss, il fait un peu pitié, donnant l'impression d'être un pauvre type qui ne peut pas prendre de décisions seul et gérer son entreprise correctement sans que 3'000 lèche-bottes et son Grima Langue de Serpent de vice-président lui collent au cul en permanence et lui apportent eux-même des solutions toute faites. C'est aussi un peu con de décider de botter le cul de Ferrari sur un coup de tête parce qu'Enzo Ferrari l'a insulté (et pas parce que ce serait un magnifique coup marketing, comme lui expliquait 10 minutes avant son directeur marketing... enfin y a sûrement de ça aussi, mais ce n'est pas l'impression que ça donne); enfin merde quoi, ton grand-père a trouvé un magnifique moyen d'optimiser une chaîne de production en exploitant des prolos jetables et se mettre des biftons plein le slip, et t'es pas foutu d'avoir une bonne grosse idée d'entrepreneur sans pitié? La rivalité entre deux passionnés de caisses et des commerciaux qui ont pour objectif premier le profit, but final étant le même mais les motivations différentes, l'importance et la pureté de la passion et ce qu'elle implique de sentiments humains auraient été bien plus intéressants avec des personnages mieux développés du côté des gars de chez Ford..


Reste enfin un fusil de Tchekhov intéressant car désamorcé dans un premier temps sans qu'on le sache, afin de rendre ces 24 heures du Mans tendues comme elles doivent l'être, mais qui du coup, rend le moment où il survient malheureusement obvious et enlève à la scène son impact émotionnel.


Le Mans '66 constitue au final un film solide, dont la plus grande force reste ses scènes de conduite. Et au final, y avait pas grand-chose à lui demander de plus.

fcbat
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le 21 nov. 2019

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