Ce "Monde Perdu", c'est avant tout un gosse trop longtemps dénigré. C'est celui qui est passé par le trou de la capote, celui qu'on ne désirait pas vraiment, mais qui est là, inévitable.
On chouchoute le grand frère, radieux et lumineux, mais on a tendance à laisser gentiment son cadet, plus nocturne, sur le banc de touche.
Mais pouvait-on avoir un fils meilleur, quatre ans après, que l'angélique aîné ? Peut être pas, mais bordel... pouvait-on seulement faire meilleure suite ?
L'histoire se déroule sur l'île Sorna, vivier préhistorique sur laquelle les animaux sont amenés à gambader avant d'être rapatriés sur Isla Nublar, l'île du premier film, servant de vitrine d'exposition aux visiteurs du monde entier. Enfin bon, ça c'était les plans.
L'île est un personnage à elle toute seule, complètement différente de celle du premier film. Comme pour ses animaux (à la fois animatroniques et images de synthèse) , le film aime mélanger séquences filmées sur le terrain et en studio. Les forets de pins gigantesques retranscrivent une ambiance bestiale, primitive, dans laquelle les bêtes ont repris leurs droits tandis que les entrepôts désaffectés sont baignés d'une lumière irréelle très spielbergienne. Tous les aménagements sont rayés de la carte, et les carnivores se sont déjà redistribués les terrains de chasse.
Tout est parfaitement plausible et redoutablement simple dans ce blockbuster, né à une époque charnière, questionnant l'utilité d'une surabondance d'images de synthèse.
L'histoire a l'intelligence rare dans une suite de proposer quelque chose sur un terrain nouveau (dans tous les sens du terme). Les scènes, contrairement au premier, sont beaucoup plus sombres (comprendre qu'elles se passent surtout la nuit). Les dinosaures ne sont pas des monstres, mais des animaux vaquant à leurs occupations, telles que se nourrir, migrer ou protéger leur petit...
Après s'être attaqué (dans la mesure d'une production hollywoodienne très grand public) au monde de la finance et avoir questionné sur les limites des progrès biotechnologiques, questionnant par là même les limites esthétiques, scientifiques et artistiques de la progéniture cinématographique qu'engendrera le premier film de sa licence, Steven Spielberg dénonce naïvement les excès du braconnage moderne au profit des plus hauts-gradés. Néanmoins, les personnages secondaires les plus marquants, comme ce néo-missionaire, ne sont jamais qu'à la limite de la caricature. Et encore, j'ai pas évoqué le charisme légendaire de Malcolm, mûrit pour l'occasion. Mais personne ne reviendra la dessus.
Franchement ?
On pouvait pas faire meilleure suite.
Spielberg peint un tableau plus sombre, plus sauvage (le thème de John Williams d'ailleurs, tribal par moment, est d'une fascinante originalité), au rythme certes identique à celui du premier film mais pour ses bons côtés (émerveillement détendu jusqu'à l'action et au climax, sans tomber dans les effets spéciaux faciles et vulgaires, sans musique omniprésente... et croyez-moi, aujourd'hui, ça fait du bien de revoir des blockbuster avec autant de retenue) et jusqu'au dénouement rendant "hommage" aux classiques.
Tableau qui aurait pu définitivement clore ce qui aurait du être un diptyque.