Un film à sketchs maquillé, Le mouton à cinq pattes offre à un Fernandel au sommet de sa gloire aveuglante la possibilité de fanfaronner sous plusieurs personnages. C'est une habitude, une facilité d'écriture à laquelle diverses productions ont eu cours pour cet acteur. Celle-ci en profite sans parcimonie : pas loin de six personnages à lui tout seul, le père et ses cinq rejetons. 


L'histoire, sous les dialogues de René Barjavel, est astucieuse, il est vrai. Elle convoque un patriarche dans un village enclavé et la recherche des quintuplés qu'il eut jadis et qui avaient fait la renommée du lieu. Éparpillés aux quatre coins du monde, les frères offrent à Fernandel moumoutes, fausses barbes et moustaches en guise de grimages pour les différencier.


Si le sujet est attirant de prime abord, il n'en demeure pas moins vrai que la structure en sketch ne peut se dissimuler. On a beau faire, cela manque de liant, d'unité entre les situations.


L'humour n'y est pas toujours très vif. Gentillet, axé sur des gags classiques, le comique de situation ne déborde guère. On notera toutefois deux trois choses susceptibles de légitimer le visionnage. 


D'abord, un sketch fort réussi, celui qui voit s'affronter Fernandel et un jeune Louis de Funès. Pas encore dégarni, ce dernier joue un croque-mort inquiétant. L'humour est ici plus noir bien sûr, mais surtout il prend des aspects de fable avec sa morale finale. Le duo fonctionne bien. 


Un autre sketch m'a paru intéressant celui-ci où Fernandel est commandant d'un navire marchand et parie sa fortune dans le jeu de la mouche et du sucre. L'atmosphère suffocante, le jeu de la mise en scène, entre les différents personnages tout cela produit une sorte de suspense qui peut déclencher des sourires. La vision du monde qui en découle est étrange, en dehors du temps, même à l'époque je pense. 


C'est un sketch étrange, mais des acteurs comme Andrex ou Dario Moreno le retiennent dans la fantaisie et puis Edouard Delmont est tout simplement très bon. J'adore ce comédien, sa voix nasillarde, qui traîne son accent méridional pour mettre en exergue un savant jeu systématiquement précis (mais sûrement inenvisageable de nos jours : je ne sais qui pourrait se rapprocher de ce jeu-là). À nulle autre pareille, et pourtant il tourne, ça fonctionne ! 


Outre les petits numéros habituels auxquels se livre Fernandel et qui plairont à ses admirateurs nombreux, on notera les petites grivoiseries pseudo-érotiques qui émaillent la pellicule à deux ou trois reprises, très légers effeuillés furtifs comme on pouvait en voir dans ce temps-là et qui surprennent aujourd'hui par leur gratuité. 


La mise en scène de Henri Verneuil est quelquefois ingénieuse, mais ce n'est pas sur ce film que sa maîtrise apparaît particulièrement nette. Je suis prêt à parier que cette légère inconstance s'explique par l'incohérence de départ, du scénario donc, à la structure même du film. Quelques plans sont bien filmés, ont de la pâte, ont ce petit goût de reviens-y qui fait que, de temps à autre, j'aime à revoir ce petit film, même s'il a beaucoup vieilli, même si Fernandel en fait des caisses.


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Alligator
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le 2 mars 2016

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