mai 2012:

On ne pourrait que très difficilement nier à Jean-Jacques Annaud la capacité et l'audace d'entreprendre des films d'envergure. Ce "nom de la rose" représente une grosse machine. Les moyens sont considérables. La précision, le soin pris pour recréer des décors aussi vrais que ceux que l'on s'imagine sont impressionnants.

Il ne faut pas oublier de souligner le superbe travail photographique de Tonino Delli Colli, maitrisant configuration spatiale, caractéristiques atmosphériques et naturelles, filtres ou jeux de lumières. Cet ensemble d'éléments visuels différents produit une image à la fois belle et inquiétante, en parfaite harmonie avec le récit.

Parce qu'en effet, à la dépense d'efforts et de moyens pour coller à une réalité visuelle historique, Jean-Jacques Annaud ajoute un autre type de labeur périlleux : l'adaptation d'un texte d'Umberto Eco. Pas une mince affaire!

Pourtant le scénario -où je vois que sévit Gérard Brach entre autres participants- est d'une clarté et d'un équilibre savoureux. Nul besoin de posséder une aussi grande culture historique et philosophique qu'Umberto Eco pour maitriser les tenants et les aboutissants de l'enquête. Tout y est présenté avec netteté et finesse. Le ton y est peut-être tout aussi empreint de cet humour distancié dont fait preuve le roman initial.

On constate également que la très haute qualité de la distribution est pour beaucoup dans la tenue générale du film. Les comédiens forment une bien belle somme de talents. Il se dégage de cette troupe une grande classe.

Entre William Hickey, F. Murray Abraham et Michael Lonsdale, pour n'en citer que trois, qui pourrait avoir l'idée farfelue d'établir une hiérarchie dans la qualité de jeu? Ils me semblent maitriser leurs rôles avec une gourmandise qui transparait à l'écran. C'est un réel plaisir de spectateur que de les voir et les entendre évoluer.

Sean Connery trouve là un très joli rôle, celui d'un matérialiste perdu dans un monde obscur, de Sherlock Holmes (Baskerville) médiéval en butte à l'ineptie d'une époque aveugle mais également celui d'un maitre très humain, pré-humaniste, envers son frêle disciple, un rôle riche, élégant et intelligent.

Dans celui de l'élève, Christian Slater fait un travail plutôt correct. Avec cette revoyure, je nourrissais une certaine appréhension à son encontre. Je m'attendais à ce que le temps soit cruel, de découvrir un jeu très appuyé. Il n'en a rien été. Mes craintes étaient injustifiées.

Entre ultra-réalisme, gueules pas possibles, pestilences médiévales et désir, amour du savoir et de la pensée, liberté du rire, perversion chrétienne, du pouvoir et autres thématiques humaines d'une époque tellement riche en évènements et réflexions philosophiques, cette histoire nous balade avec un étonnant suspense entre les divergences et les intelligences d'une humanité pétée de trouille et d'ignorances. Un film futé.
Alligator
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le 20 avr. 2013

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