Le héros Benoît a un parlé à mon sens trop "racaille maghrébine". Les "vas-y" et autre "t'es un malade" je ne les vois pas trop dans sa bouche de blanc venant d'une famille propre sur elle. Après c'est vrai qu'au collège on adopte facilement le langage le plus agressif, alors il est possible que ces termes soient maintenant utilisés par tous... C'est un peu triste.


Autre bémol, la violence physique n'apparaît pas du tout dans ce film. Personne ne tape personne, par rapport à mon expérience c'est une édulcoration de la réalité. Par exemple : après le moment où Benoît répond à Astrid dans la cour de récré en lui balançant son emballage de Kinder vide, Astrid se contente de s'indigner pour finalement inviter Benoît à sa fête d'anniversaire samedi (comme s'il avait gagné son respect en fait). Dans mon collège, un garçon relativement chétif comme Benoît qui leur aurait tenu tête se serait fait taper par la bande de filles menées par Astrid je pense.


Mais à part ces deux points, je trouve le film d'une justesse incroyable. S'il n'y a pas de blessures physiques il y a néanmoins une immense violence psychologique à l'oeuvre dans de nombreuses scènes, dans les rapports entre les enfants. Les adultes brillent par leur incompétence, leur absence et leur injustice, comme dans la vraie vie : dans la salle informatique, c'est Benoît qui est réprimandé par le prof parce qu'il s'est levé (excédé), alors que c'est Charles et ses deux complices qui foutent la merde depuis cinq minutes et se moquent de Benoît.


Malgré le fait que Charles et ses copains soient des ordures finies, c'est Charles qui est élu délégué de la classe. C'est un gros connard mais il fait rire, alors il reçoit de l'amour. Les filles sont conformes à ce que j'ai vu à cet âge aussi : des lâches imbuvables qui se prennent pour des adultes parce qu'elles se maquillent et prennent de très haut les losers, tout en traitant finalement pas si mal les connards (du vécu).


Même le héros Benoît est un peu une ordure, quand il va à la fête d'Astrid en mentant à son pote pas invité, en espérant grimper l'échelle sociale pour laisser le niveau loser dans lequel il baigne avec ses potes et accéder au niveau rêvé des branchés. Constantin va vers Aglaée la nouvelle ET handicapée (elle accumule les tares) simplement parce qu'elle n'a pas encore eu une chance de l'exclure comme toutes les autres filles l'ont déjà fait. En même temps ensuite il est complètement incapable d'assumer son attirance sexuelle pour elle, par fierté d'homme fort indépendant de toute femme (sauf maman).


Le film ose pas mal de scènes assez puissantes : le bout de téton d'Aglaée dans les vestiaires qui fait bander Constantin à travers son maillot, la démarche de l'handicapée dont le personnage de Max Boublil se moque en la prenant pour une danse ridicule, la chorale complètement fausse mais jouissive pour les personnages...


Il n'y pas non plus de bonne fin à l'américaine où le héros parvient à séduire la fille de ses rêves ou se découvre un talent... Cela dit si on considère que l'enjeu du film est que le héros trouve sa place, alors c'est gagné, largement. Il trouve définitivement des gens avec qui partager énormément de choses et qui vont l'aider à se construire pour les années à venir. Mais ce ne seront ni la fille de ses rêves, ni les filles canons, ni les garçons méchants et populaires... Ce seront les autres anormaux, les autres exclus du système.


Je terminerai en notant que c'est le déménagement de Benoît qui le rend "nouveau" et qui le met en situation de décalage. Je ne serais pas surpris, dans l'hypothèse où il était resté au Havre, s'il avait fait partie d'une "caste" supérieure à celle qu'il est contraint de rejoindre dans le film à Paris. Benoît est un enfant normal, bien habillé, plutôt beau. Alors que Constantin et le gros, et Aglaée aussi, ont une bizarrerie bien à eux qui les fait sortir du cadre.


Il y a une scène au début du film où Aglaée est présentée à la classe par un type qui doit être le principal ou que sais-je. Ce dernier demande "qui veut passer ses cours à Aglaée" ? Constantin lève la main le premier, enthousiaste (inconsciemment, certainement à l'idée de pouvoir baiser). Le principal le zappe complètement et choisit qui a levé la main après lui. Constantin est séché, ignoré. J'ai trouvé ça violent. Il n'y avait aucune raison légitime pour que le principal ne désigne pas Constantin.


Il y a beaucoup de scènes très puissantes dans ce film et qui montrent avec une grande pertinence la perversité des gamins entre eux. Quand Benoît rit à une blague lancée par Charles, a priori pas très drôle mais qui a fait hurler les deux copains de Charles, Charles s'arrête de rire et demande à Benoît pourquoi il rigole. Benoît n'a pas vraiment d'explication, la chute de la blague semblait absurde, mais il a fait ça dans un mouvement pour s'intégrer au groupe, certainement pour faire comme les autres. Seulement il n'en a peut-être pas conscience lui-même, ou alors c'est honteux pour lui de le dire. Et Charles insiste, et ses potes avec lui, car il sait bien tout cela : "mais alors pourquoi t'as rigolé, qu'est-ce que t'as trouvé de drôle ?" Jusqu'au malaise de Benoît.


C'est un film d'une finesse psychologique rare. Regardez-le !

Pedrof
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le 24 nov. 2017

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Pedrof

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