Alain Cavalier, c'est un peu ma raison numéro 1 d'aimer le cinéma en ce moment. Après avoir été bouleversé par Irène, Pater et surtout le Filmeur, il fait désormais partie de mes réalisateurs préférés, et au-delà de ça je dirais même que c'est presque comme un vieil ami, que j'ai plaisir à revoir de temps en temps. Je crois que rien ne pourrais me faire plus plaisir que de continuer à voir certains de ses films intimes, où il raconte des souvenirs, des pensées, des émotions qui lui viennent comme ça, sur le moment où il filme. Même ses cours-métrages me font énormément de bien.
Alors forcément un nouveau long métrage au cinéma, rien ne pouvais me faire plus plaisir. Si le film m'a peut-être moins marqué que Le Filmeur ou Irène, ça n'en est pas moins excellent. Pour la simple et bonne raison que c'est un film d'une très grande douceur, je me suis senti bien pendant toute la (courte) projection. Dès le début, Cavalier qui s'émeut de voir un petit paon avec sa mère, de le voir mourir et qui décide de le filmer, de filmer sa tombe. C'est d'une simplicité absolue, et d'une grande beauté. Et tout le film sera comme ça, assez déconstruit, Cavalier parle de mythes antiques, de passages de la Bible, et nous les met en scène avec des objets, des petits jouets, et c'est à la fois intéressant et amusant, il faut le voir raconter une rencontre entre Ulysse et Athéna, symboliser le diable par un morceau de bois tout moche et réussir à nous faire croire à ses histoires. Je suis toujours sensible aux gens qui aiment cette culture (ce qui me fait penser que je devrais m'y mettre bien plus), et qui veulent la transmettre, rappeler aux gens que ouais, on a un patrimoine européen juste énorme et passionnant, et que toutes les conneries qu'on peut voir aujourd'hui à la télé, au cinéma, dans la "littérature" ne font que l'enterrer, voire la rabaisser et cracher dessus (je pense aux Hercule et compagnies qui polluent nos salles), les gens l'oublie, n'ont plus cette culture, n'en ont plus le goût, et c'est bien dommage... Ils préfèrent aller baver devant le dernier navet made in hollywood (dont l'âge d'or semble loin).
Le film est vraiment très apaisant, très drôle aussi, Cavalier a un humour qui me parle vraiment, il peut très bien me faire rire un instant pour ensuite m'émouvoir à raconter l'émotion qu'il a eu en avalant sa première hostie, et me fasciner quand il filme une jeune femme magnifique qui fait de la musique avec ses doigts mouillés et coupe une petite mèche de ses cheveux pour créer un petite croix avec des allumettes. C'est sans doute un des plus beaux moments de cinéma que j'aurais eu cette année. Vous ne pouvez pas savoir comment ce film fait du bien.
Après, malgré tout, je ne peux m'empêcher de préférer le filmeur ou Irène, parce que rien ne m'a plus ému chez Cavalier que sa propre vie intime, et si on retrouve ça dans Le Paradis, ce n'est pas le centre du film. C'est un film réjouissant et excellent, qui nous montre un petit jouet robot en train de faire l'amour (qui d'autre serait capable de montrer ça franchement en étant aussi drôle ?), et qui nous montre que le bonheur, ce n'est pas grand chose, c'est éphémère, mais que ça fait du bien. Quelque part il a un peu un rôle de conteur racontant des récits intéressants à sa sauce. Et moi, écouter un vieux bonhomme espiègle de 83 ans me raconter le mythe d'Ulysse et la descente de croix du Christ, ben j'adore ça.
Vraiment un bonheur total pendant une petite heure et dix minutes.
