Le Passager n°4 tombe presque à point nommé sur Netflix, il est vrai toujours dans les bons coups, puisque la conquête de Mars semble se concrétiser petit à petit et que la European Space Agency vient d'envoyer notre Thomas Pesquet national dans la station orbitale ISS pour préparer l'avenir. L'énorme hublot au centre de l'affiche et naturellement du film nous ramène tout droit aux clichés pris à l'intérieur de la station ISS qui nous apparaît aujourd'hui quasiment familière. Un second chez soi qui, dans l'absolu, n'est et ne sera qu'une chimère pour bien plus d'un mortel sur Terre, suffisant en tout cas pour générer rêves et fantasmes, illusions et projections. Joe Penna, cinéaste curieux et profondément solitaire (on se souvient de son premier long Arctic sorti deux ans plus tôt), cristallise ses obsessions dans une station qui ne connait pas l'impesanteur mais tout de même quelques flottements.
Si Arctic poussait réellement Mads Mikkelsen dans ses derniers retranchements, donnant tout son sens au terme souvent galvaudé de survie, Le Passager n°4 semble de son côté écrire de nouvelles pages du film de science-fiction, préférant passer sous silence quelques invraisemblances d'écriture et délaisser l'aspect spectaculaire et virevoltant d'un voyage dans l'espace pour se concentrer davantage sur les conséquences d'un dilemme qui métamorphosera l'ambiance à bord de la station : il n'y aura pas assez d'oxygène pour tout le monde et il faudra prendre des décisions pour éviter le suicide collectif. Dès lors que le film trouve sa vitesse de croisière, l'ambiance tourne à la sinistrose et le spectateur se retrouve presque désarmé devant cette déprime que l'on préfère nier. Les thèmes de la mort et du suicide laissent aussi un peu de place au sacrifice, dans un vide spatial tellement vide que le noir à l'écran semble faire corps avec les états d'âme d'un équipage résigné (le passager n°4), dépité (les expériences fichues de M. Kim), paniqué (Toni Collette, as usual), torturé par des sentiments naissants (la jeune Zoe). A côté, Minuit dans l'univers de George Clooney est un véritable conte de fées.
Le Passager n°4 s'accapare presque un nouveau genre à part entière, le drame de science-fiction dans tout ce qu'il a de plus figé et d'anti-spectaculaire, culminant au dernier tiers dans une étrange séance d'équilibriste vertigineuse pas franchement crédible où l'on enfile sa combinaison extravéhiculaire comme on enfile un pyjama, jouant avec la gravité comme bon lui semble avant de conclure sur un ultime acte héroïque pas franchement inspiré et légèrement attendu. Là où le film en revanche vise juste, c'est dans sa peinture de l'ennui que peut générer un voyage de plusieurs mois dans une station aussi triste que vide, en à peine deux heures de métrage.