Culte s’il en est, ayant marqué des générations de cinéphiles, ainsi que de nombreux metteur en scène, ‘’Point Blank’’ est un film de revanche en forme d’un trip halluciné, dépourvu de toute morale, avec comme personnage principal un gangster tout aussi dangereux que les gangsters qu’il poursuit. Hard boiled au possible, fort d’une violence souvent gratuite, le film de John Boorman est au fil des années devenu une référence dans son genre. Non sans raisons.
Adapté du roman ‘’The Hunter’’ de Richard Stark, ‘’Point Blank’’ n’hésite pas à plonger tête baissée dans toutes les audaces. Au frontière du polar le plus Noir, du fantastique, et du voyage psychédéliquo-métaphysique (une théorie, qui tient la route, veut que le personnage de Walker, incarné par Lee Marvin, soit en réalité un fantôme revenu pour se venger), il entraine le spectateur dans les confins d’un obscure périple amoral.
L’action prend ainsi place au cœur d’un univers touffu et cohérent, parfaitement distillé, qui se révèle au fur et à mesure que le récit avance. Semant ici et là quelques informations, par le biais des échanges entre Walker et les autres personnages, ou bien encore ces flash-back agrémentant le récit de la plus anarchique des manières. Mené par le bout de la truffe, le spectateur est perdu sous une multitude d’information. Tel un jeu douteux, Walker (et donc l’audience qui le suit) est amené de niveau en niveau, remplissant les objectifs qui se présentent à lui, pour arriver jusqu’au boss final.
Rondement mené, rythmé, plus d’une fois jouissif, ‘’Point Blank’’ est un archétype du polar Noir post-sixties. Arrivant à l’heure du Nouvel Hollywood, toute l’histoire est bâtie autour d’un personnage détestable, pas spécialement bienveillant et violent, il est sans arrêt à jouer de son flingue (même s’il ne tue absolument personne, voir la théorie de la Ghost Story). Monolithique et dénué d’émotions, il se fiche du bien et de la justice. Tout ce qu’il veut c’est récupérer son blé.
Walker est le genre de personnage qui n’aurait pas pu exister au cinéma dix ans plus tôt. Ou bien sous une autre forme. Une idée bien ancrée, prenant le spectateur pour une buse, veut que ce dernier s’identifie, ou éprouve le besoin de s’identifier au personnage principal d’une œuvre. Hors, lorsque celui-ci est plein de vice, ça s’avère problématique. Et c’est cela que pendant plus de dix ans durant le Nouvel Hollywood va s’évertuer à déconstruire.
De ‘’Bonnie and Clyde’’ en 1967, à ‘’Heaven’s Gate’’ en 1980, Hollywood connaît ainsi une tentative de destruction des codes établies depuis les années ‘30 par le Code Hayes. Initialement prévu pour protéger la masse des spectateurs des déviances et des vices présents chez les personnages de fiction. Le Code fût au final un échec, comme les tentatives du cinéma américain des 70’s, puisque l’image du héros vertueux, défenseur des valeurs nationale, et garant de la tradition est restauré au cours des années 1980.
Ce ‘’Point Blank’’ peut ainsi être perçu comme une œuvre du Nouvel Hollywood, dans sa mise en scène, dans ses réflexions en filigrane sur le bien et le mal, de par son anti-héros virulent, et par un montage parfois anarchique, venant perdre le spectateur dans une histoire très simple. Simple film de vengeance, il n’en est pas moins riche en rebondissement, fort d’un rythme haletant, et d’une violence visuelle qui tape dans la générosité.
John Boorman signe avec ce métrage un polar de référence, rarement égalé à Hollywood. Le roman de Richard Stark connaîtra pourtant par la suite deux nouvelles adaptations. Une réussie avec Mel Gibson, et une foireuse avec Jason Statham. Mais aucune des deux ne parvient à rivaliser avec ‘’Point Blank’’. Seul la saga ''John Wick'', remake a peine camouflé, parvient à faire une proposition rafraîchissante, sur la même thématique.
Pleinement conscient de son époque, John Boorman s’amuse ainsi avec les codes établis et les règles imposées à la production. Proposant le portrait d’un héros douteux des plus bad ass, et une plongée efficace dans les tréfonds de l’âme humaine. Avec une certaine part d’onirisme, plutôt inattendue.


-Stork._

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le 10 févr. 2020

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Peeping Stork

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