C'est mon deuxième visionnage de "Point Blank", et étrangement je l'ai apprécié encore davantage. Au-delà de l'avoir vu cette fois dans de meilleures conditions, c'est peut-être parce que, connaissant l'intrigue, j'ai pu me focaliser sur le style presque expérimental de ce polar pas comme les autres ?

Car s'il ne s'agit que du deuxième long-métrage John Boorman (et premier aux USA), le réalisateur fait déjà des étincelles. Clairement influencé par la Nouvelle Vague européenne, Boorman s'amuse à déconstruire les codes habituels du polar ou du film noir.

Ici, pas de ruelles sombres ou de héros à corrompre. La majeure partie du film se déroule en plein jour, sous un soleil de plomb. Et Walker est un anti-héros droit dans ses bottes. Il a commis une seule erreur, celle de faire confiance à son meilleur ami et sa femme pour un braquage. Laissé pour mort par les deux amants, il revient se venger.

Pas de sentiment superflu, pas de dialogue inutile, pas d'action irréfléchie. Walker est un personnage à la tête d'acier, qui tient tête sans sourciller à une gigantesque organisation criminelle, et se moque bien de liquider ceux qui se dressent sur son chemin. Il est incarné par un Lee Marvin totalement imprégné de son personnage, qui apportera beaucoup à la production du film, soutenant John Boorman face aux studios.

La déconstruction opère également (surtout ?) sur les visuels. Un montage d'orfèvre, non-linéaire qui mélange les temporalités. Des séquences lentes et oppressantes cédant la place à une violence soudaine. Quelques plans de dingue, surtout dans la première moitié, qui donnent l'impression de voir une œuvre psychédélique. Des compositions chargées de métaphores, parfois abstraites (Walker discutant avec son ami, au sol entouré d'une foule !).

Et beaucoup de jeux sur les couleurs, de nombreuses scènes ayant une allure monochromatique. Ce qui charge le sens narratif. Mais renforce également l'aspect cauchemardesque de l’œuvre. Entre ceci et l'absurdité de l'intrigue (Walker remonte un à un échelon pour un motif qui devient insignifiant), on a finalement l'impression de voir un rêve meurtrier.

C'est d'ailleurs une théorie qui circule régulièrement :

toute l'histoire ne serait qu'un fantasme de Walker, qui serait toujours blessé au fond de sa cellule depuis le premier plan du film...

Paradoxalement, "Point Blank" est devenu un classique du polar, au point d'être référencé. A titre d'exemple, les similitudes avec le premier "John Wick" sont troublantes ! Un remake avec Mel Gibson, moins sérieux, verra aussi le jour.

Redzing
9

Créée

le 20 juil. 2023

Critique lue 56 fois

Redzing

Écrit par

Critique lue 56 fois

D'autres avis sur Le Point de non-retour

Le Point de non-retour
Docteur_Jivago
9

Tapi dans l'ombre

Laissé pour mort dans la prison désaffectée d'Alcatraz, trahi par son ami alors qu'il devait récupérer une grosse somme d'argent, Walker se voit proposer une chance de se venger et dans le même temps...

le 13 oct. 2016

21 j'aime

Le Point de non-retour
SanFelice
8

Walker on the wild side

Adapté du roman de Richard Stark (pseudonyme du romancier Donald E. Westlake ; le même roman donnera, en 1999, le film Payback, de Brian Helgeland, avec Mel Gibson), Le Point de non-retour est le...

le 9 avr. 2016

19 j'aime

Le Point de non-retour
Quantiflex
10

Critique de Le Point de non-retour par Quantiflex

" Le point de non retour" (1967), qui comme par hasard a un bon titre en Français, ( "Point Blank" veut dire "à bout portant" mais avait déja été pris pour traduire le film de Siegel "The killers",...

le 25 mars 2011

14 j'aime

10

Du même critique

Athena
Redzing
7

Les Trois Heures du Condé

« Athena » semble avoir divisé son public. Entre ceux qui y ont vu enfin un film français flamboyant à la mise en scène ambitieuse, et ceux qui ont pointé du doigt un film vide de sens, destiné à de...

le 29 sept. 2022

33 j'aime

4

Sisu - De l'or et du sang
Redzing
7

Finnish him !

A travers cette histoire d'orpailleur vagabond harcelé par les Nazis, Jalmari Helander livre un hommage assumé au premier Rambo, dont il reprend la structure narrative. Ici, notre homme est un ancien...

le 29 mai 2023

23 j'aime

3

Le Dernier Mercenaire
Redzing
2

Et pourtant il l'avait prédit...

En 2001, alors qu'il fait la promo de "Replicant", Jean-Claude Van Damme est invité sur un plateau télé français. Il expose, dans un franglais plus ou moins cryptique, les principes de ce qui...

le 30 juil. 2021

18 j'aime

15