Une aventure épique que ce Pont de la rivière Kwaï ! Elle le fut aussi pour l’équipe de tournage qui a dû s’exiler dans la jungle de Ceylan pour mettre en son et en images cette reconstitution historique de la seconde guerre mondiale. À lire les témoignages, les difficultés rencontrées furent innombrables. Cela n’a pas empêché David Lean et ses artisans de livrer une œuvre des plus achevées. La réalisation est sans faille. La cohésion de la production est perceptible tant au niveau de l’histoire racontée que de la prise de vue qui, paysages naturels et cinémascope aidant, font de chaque séquence une œuvre en soi. Tout semble couler naturellement dans ce film, on ne sent jamais le trucage. Contrairement à la coutume de l’époque, les acteurs masculins ne cherchent pas à jouer les gros bras. Ils vivent la situation et leurs personnages progressent avec justesse selon le développement de l’action. À commencer par Alec Guinness qui offre une performance subtile et sentie digne de l’Oscar qu’on lui a décerné. Même si certaines scènes peuvent sembler s’étirer, elles demeurent bien rendues et servent de charpente à la fresque qui se construit tranquillement devant nous jusqu’à la conclusion on ne peut plus spectaculaire. Tourner sans effets spéciaux, l’explosion d’un pont conjugué à la chute dans le vide d’un train est un tour force inimaginable. Ne serait-ce que pour la réalisation des séquences qui composent la finale, le film mérite d’être classé parmi les chefs-d’œuvre de la cinématographie.