Les années cinquante aux Etats-Unis furent marquées par la peur du communisme et le maccartysme (la fameuse « chasse aux sorcières »). Ce que l’opinion publique savait et pensait de ceux qu’on appelait « les Rouges » peut être résumé dans cette réponse de la vieille Moe (Thelma Ritter) dans ce dialogue savoureux : « Que savez-vous des Rouges ? – Rien mais je ne les aime pas ! » Samuel Fuller, cinéaste d’extrême droite, célèbre pour ses apologies de l’armée et de la violence essaie de nous faire le coup (mais à l’envers) de Fritz Lang dans M le maudit : police, truands, indics… tous unis, non pas contre un meurtrier tueur d’enfants mais contre ces « sales rouges » qui menacent l’intégrité du territoire US (« The flag » est le terme qui revient le plus souvent tout au long du film). Le problème est que même au-delà de cette idéologie primaire, la valeur cinématographique de Fuller est très loin de celle de Lang, évidemment… le contraire se saurait ! La mise en scène est conventionnelle et le scénario fait de ficelles tellement grosses qu’on a parfois envie de rire. Les acteurs font ce qu’ils peuvent pour sauver cette farce avec une mention spéciale à Thelma Ritter, déjà citée et à Jean Peters, sensuelle en diable… Richard Widmark, malgré de louables efforts, n’arrive pas à rendre crédible son personnage de truand converti par l’amour en patriote. À signaler pour finir que le titre français est totalement à côté de la plaque : il n’y a pas une once de drogue dans ce film. C’est que la version française évite soigneusement de faire allusion aux communistes (ça n’aurait pas plu chez nous en 1952…) et sert donc une fausse traduction, véritable trahison en règle du scénario original, où le microfilm destiné aux « rouges » est censé contenir une recette de drogue… Ubuesque !
Maqroll
2
Écrit par

Créée

le 11 juil. 2013

Critique lue 924 fois

4 j'aime

Maqroll

Écrit par

Critique lue 924 fois

4

D'autres avis sur Le Port de la drogue

Le Port de la drogue
guyness
8

Détournement de fond

On devrait imaginer une nouvelle catégorie de délits. Après le civil, le pénal, le criminel, on devrait pouvoir caractériser le crime artistique, réservé aux producteurs, traducteurs, scénaristes, et...

le 25 oct. 2012

26 j'aime

6

Le Port de la drogue
Sergent_Pepper
7

Excuse my french

Sur les terres bien balisées du film noir, Pickup on South Street ajoute quelques modulations intéressantes. C’est d’abord l’élément narratif de l’espionnage, qui va transiter dans une intrigue...

le 15 nov. 2018

23 j'aime

6

Le Port de la drogue
Ugly
8

Pickpocket et communistes sur fond d'espionnage

Tout d'abord, il faut préciser un truc important : contrairement à ce que le titre français peut laisser croire, le film n'a rien à voir avec la drogue, c'est encore un titre français complètement...

Par

le 21 mars 2017

20 j'aime

9

Du même critique

Little Odessa
Maqroll
9

Critique de Little Odessa par Maqroll

Premier film de James Gray, l'un des génies incontestables du cinéma actuel, où déjà l'essentiel est en place. Un scénario, d'une solidité qui force l'admiration, rapporte une histoire tragique...

le 30 sept. 2010

20 j'aime

1

Babel
Maqroll
5

Critique de Babel par Maqroll

Une quadruple histoire dont on démêle peu à peu les intrications, qui constituent une espèce de fresque sur les difficultés des êtres humains à parler entre eux. Malheureusement, ce film rempli de...

le 17 juil. 2013

18 j'aime

2

L'Émigrant
Maqroll
10

Critique de L'Émigrant par Maqroll

Attention, chef d’œuvre absolu. Chaplin s’attaque ici au mythe des mythes, l’arrivée des immigrants aux États-Unis (via Ellis Island) et la voie ouverte à tous les rêves… La traversée de l’Atlantique...

le 10 juil. 2013

16 j'aime

3