L'audimat, ça tue !

Le prologue du film donne le ton ; un homme blessé tente de fuir à ses poursuivants. Épuisé, il leur échappe en nageant, mais ces derniers le rattrapent et au lieu de lui porter secours, l'achèvent à coup de rames et de chaînes, sous les applaudissements du public. On découvre que c'est un jeu télévisé, qui reprend une chasse à l'homme où celui-ci doit trouver une cachette précise pour gagner 1 million de $, sinon, il peut mourir.

Si vous avez déjà vu (ou lu) Running Man, c'est exactement la même histoire, au point que la production américaine a été accusée de plagier le film de Boisset, et effectivement, les similitudes y sont criantes.
Yves Boisset n'a pas de chance dans la diffusion de ses films en dvd ; ceux dits sulfureux sont tout simplement inaccessibles, y compris celui-là. Il faut dire que c'est un film incroyablement visionnaire, car il reprend avec près de trente ans d'avance ce qu'est la télé réalité, à ceci près qu'elle ne pas encore, pour le moment (?).
Le film montre très bien que la télévision peut abrutir les masses qui se régalent de la mort d'un homme, au nom de leurs jouissances personnelles.

Gérard Lanvin, qui joue l'homme qui va essayer d'échapper à ses poursuivants, est vraiment excellent, et plus réaliste qu'un Schwarzy soulevant une poutre à une main. Dans son jeu un peu extrême, il fait penser à Patrick Dewaere : il est intéressant de savoir que ce dernier fut choisi pour tourner le film avant que le destin n'en décide autrement.
Dans le rôle du présentateur incroyablement cynique, Michel Piccoli (et ses cheveux plaqués en arrière) est formidable. On sent chez lui une jubilation à jouer les ordures et à en faire des tonnes en présentateur. Il y a aussi Bruno Cremer (le patron de la chaine) et Marie-France Pisier (la productrice qui va se découvrir une morale en cours de film).

En 2013, produire un tel film serait impensable, car il dynamite le rêve télévisuel avec une force visuelle incroyable, et des scènes chocs où l'on voit un spot tv avec des enfants africains affamés...juste pour donner quelques secondes d'émotion. On voit aussi que le jeu devient très scénarisé, de sorte que ce qui arrive au personnage de Lanvin est toujours prévu à l'avance pour faire une montée en rythme.

Il y a peut-être juste la musique de Vladimir Cosma que je ne trouve pas très réussie, ni le fait de porter apparemment l'histoire aux USA (ce n'est pas dit clairement, mais la somme en jeu est dite en dollars) alors que ça sonne très français qui le rend un peu daté dans le visuel. Dans son message très violent contre la télévision et l'effet qu'elle peut produire sur les masses, c'est assez fort.