Ça arrive de temps en temps : un film surgi d'on ne sait où, la plupart du temps réalisé par d'illustres inconnus, apporte une bouffée de fraîcheur à un genre devenu sclérosé. Ainsi, à une époque où les films d'horreur n'effrayaient plus personne depuis de nombreuses années et s'enlisaient dans une redite perpétuelle devenue peu à peu de l'auto-parodie pas toujours volontaire, Le Projet Blair Witch, s'il n'inventait rien, ou si peu, parvenait néanmoins à présenter sous un angle inédit un thème éculé et un point de départ narratif pour le moins cliché. Par-dessus le marché, les réalisateurs y parvenaient avec un budget ridicule et une absence totale d'effets spéciaux...

Pourtant, l'astuce utilisée ici reste bien ancienne : elle consiste à ne jamais – au grand jamais – laisser voir le monstre, ni même la mort d'un protagoniste. Cette technique bien rodée présente pour immense mérite de laisser l'imagination du spectateur faire tout le travail, à défaut de se montrer spectaculaire – un choix à l'intérêt toujours plus limité après des années de développement exponentiel des technologies d'effets spéciaux numériques. Et comme l'audience de ce genre de film a bien souvent une imagination d'une fécondité à toute épreuve...

Il en résulte donc un film de pure ambiance, où l'horreur se trouve tapie dans le moindre bosquet, derrière le plus petit buisson, au détour d'un simple cours d'eau. À l'affut, elle attend la moindre occasion de se jeter à la figure des protagonistes comme de celle du spectateur puisque la frontière entre les deux reste toujours floue dans ces productions à mi-chemin de la fiction et du documentaire. La stratégie marketing choisie par les distributeurs, qui ont voulu faire croire à un documentaire réel, traduit la même approche...

On peut d'ailleurs expliquer au moins une partie du succès de ce film par cette volonté de l'équipe de production d'effacer, ou à tout le moins de réduire la distance entre la réalité et la fiction. Ainsi devenue partie intégrante du récit, en tous cas indirectement, l'audience y participe, parfois même bien malgré elle. Plusieurs réalisations de John Carpenter, pour rester dans le registre du film d'horreur, reposent d'ailleurs sur une mécanique immersive semblable (1)...

Mais ne voyez pas pour autant dans la résurgence de ce ressort du genre une quelconque volonté régressive des réalisateurs de Blair Witch, bien au contraire : avec leur choix d'une facture aussi originale qu'efficace, ils ont en fait signé là un film d'horreur comme on en faisait plus depuis plusieurs années à l'époque – un film d'horreur digne de ce nom...

(1) à noter néanmoins qu'elle ne fonctionne que dans une certaine mesure : poussée dans ses derniers retranchements, elle tend à tomber à plat – c'est le cas en particulier dans The Thing (1982) du même John Carpenter.

Récompenses :

- Festival de cannes : Prix de la jeunesse (1999)
- Film Independent's Spirit Awards : Prix de la meilleure première œuvre ayant un budget inférieur à 500 000 dollars (2000)

Notes :

Avec son coût de production évalué à 25 000$, Le Projet Blair Witch ramena près de 250 millions de dollars de bénéfice dans son exploitation mondiale, devenant ainsi le film le plus rentable de toute l'histoire du cinéma à ce jour.

Le Projet Blair Witch connut une suite, Blair Witch 2 : Le Livre des ombres (Joe Berlinger ; 2000), qui eut bien moins de succès ; d'ailleurs, je ne le conseille pas. Un troisième Blair Witch est en préparation depuis 2009.

Ce film inspira aussi plusieurs jeux vidéo, tous sortis sur PC en 2000 : Blair Witch Volume 1: Rustin Parr, Blair Witch Volume 2: The Legend of Coffin Rock et Blair Witch Volume 3: The Elly Kedward Tale.
LeDinoBleu
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le 30 sept. 2011

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