Le Roi Lion
5.7
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Jon Favreau (2019)

Autant que vous le sachiez tout de suite, cette critique ne sera absolument pas objective et je ne suis peut-être pas la personne la mieux placée pour juger de la qualité de cette œuvre. Pour vous rendre compte de tout l’amour que je peux éprouver pour le dessin animé d’origine, je vous encourage vivement à lire la critique que j’en ai fait (et qui s’achève sur un 10 +++). J’adore ce film, je connais chaque mot, chaque geste, chaque coup d’archet de cette histoire que j’ai due visionner un bon millier de fois.


Et, à dire vrai, je suis allée voir ce remake avec un très fort a priori qui n’est pas allé en s’améliorant quand j’ai vu le casting sélectionné par Disney (en VF comme en VO). De l’autre côté de l’Atlantique, du bling-bling tape-à-l’œil bien-pensant avec que des acteurs afro-américains (parce que ça se déroule en Afrique) et de notre côté, de jeunes acteurs/chanteurs en vogue pour la génération Smartphone (Ryan Bensetti et Anne Sila) et deux comiques en goguette (Jamel Debbouze et Alban Ivanov). De quoi avoir quelques sueurs froides quand on est autant attaché à la version d’origine.


Bref, avançons directement à cette réédition en images de synthèse et commençons par les bons points (ça va aller très vite donc soyez attentifs).


Graphiquement et techniquement, c’est magnifique. Le travail fait par les animateurs et autres graphistes est absolument somptueux. Ils ont vraiment charbonné comme des malades pour apporter du réalisme à toute cette faune (et plus particulièrement dans les attitudes des animaux et les bruitages) et sans laisser le décor de côté (ce qui est souvent le cas sur ce genre de création).


D’un point de vue casting, l’acteur qui prend la suite de Jean Piat (malheureusement décédé) fait le café, même s’il est davantage flippant dans ses silences (mais j’y reviendrais dans la deuxième partie). Celle qui reprend Shenzi est très bien également, tout comme celui qui joue Zazu. Et Anne Sila s’en sort pas trop mal en Nala plus rebelle que jamais.


Et question scénario, j’ai apprécié le fait qu’ils comblent les vides du dessin animé, notamment avec ces passages sur la Terre des Lions durant le règne de Scar ou le trajet de cette touffe de poils de Simba vers Rafiki (même si je ne pense pas que les mômes perçoivent l’humour du passage du bousier). J’ai aimé l’allusion au fait que Scar ait un penchant pour Sarabi (même si je ne sais pas si c’était une information canonique de l’univers étendu du Roi Lion ou si c’est une théorie de fan récupérée). Et enfin, j’ai aimé le clin d’œil à La Belle et la Bête (encore une fois, pas forcément remarquable pour les enfants).


Et on s’arrête là pour les bons côtés. Si vous avez aimé ce remake, arrêtez votre lecture ici (vous êtes prévenus).


Concrètement, ce film n’est pas fait pour les ultra-fans. Il est fait pour celles et ceux qui ont vu le matériel d’origine une ou deux fois et qui ont tout oublié par la suite. Car, pour celles et ceux qui, comme moi, connaissent Le Roi Lion de base à la microseconde près, cette adaptation est d’une frustration insoutenable.


En effet, cette nouvelle version a beau reprendre toutes les scènes d’origine, en en intercalant d’autres en cours de route, tout est ponctué de (plus ou moins grandes) différences, tant dans les dialogues que dans les gestes ou les musiques. Absolument tout. Tous les dialogues ont été raccourcis/rallongés/modifiés (quand ils n’ont pas tout bonnement disparu). Toutes les musiques d’ambiance ont été modifiées. Et, si ce n’est Le cycle de la vie et L’amour brille sous les étoiles, toutes les autres chansons ont été charcutées.


Alors, ce n’est parfois pas grand-chose (un mot différent, une expression différente, une rythmique différente), mais quand on a des images copiées-collées du matériel d’origine, on est en droit de s’attendre à des textes et des musiques copiées-collées également. Sauf que non. On a là une copie carbone raturée de partout et pas pour le meilleur.


Si on reprend juste les dialogues, on a là une version du Roi Lion spéciale « débiles ». Tout est sur-expliqué. Scar n’a jamais autant déblatéré que dans cette version. En 1994, il alignait deux-trois phrases (des répliques saignantes et lapidaires à souhait) à chaque apparition. En 2019, on a Sigmund Freud qui t’explique de quinze manières différentes pourquoi il fait ceci ou cela (au point de saborder toute l’émotion de la mort de Mufasa notamment et de rendre chaque scène où il ouvre la gueule chiante à mourir).


Et, de la même manière, on a retiré tous les mots et les expressions un peu compliqués des dialogues d’origine (« tu m’embrouilles la crinière » est devenu « tu m’emmêles la crinière », « je me ris du danger » s’est transformé en « je lui ris au nez » et « les macchabées de rois » sont passés en « des rois morts »). Sauf un ! « Débandade », que Simba prononce alors qu’il n’est qu’un lionceau (c’est bien connu, tous les enfants emploient ce mot dans les cours de récré…). Pourquoi ?


La réplique de Simba « M’maaaan ! Tu m’embrouilles la crinière ! » était une des phrases mythiques du vieux Roi Lion. Tout comme le « Si ma subtile intelligence se taille la part du lion, sur le plan de la force physique, j’ai bien peur que la génétique n’est pas joué en ma faveur » ou le « On m’appelle : Monsieur Porc ! », qui ont tout bonnement disparu. Je glisserais sur « Shenzi, tu connais un bon resto ? » (pas adaptable dans un monde réaliste) ou « Votre Majesté, je me consterne à vos pieds » (humour trop subtil, m’est avis…), qui ont subi exactement le même sort. Je ne dis pas que toutes les répliques étaient indispensables, mais quand on se retrouve avec des scènes et des situations identiques, c’est troublant d’entendre d’autres dialogues. Pire, quand on commence le dialogue exactement de la même manière (« La vie n’est pas juste… », « Simba, qu’est-ce que tu as fait… »), c’est criminel de poursuivre avec un truc qui n’a absolument rien à voir. Autant ne rien reprendre du tout à ce moment-là...


Si on poursuit avec les chansons/musiques. Bon, je ne m’étendrais pas sur la réécriture des musiques de Hans Zimmer parce qu’on entrerait vraiment dans du pinaillage gratuit. Passons donc directement aux musiques chantées. Pour L’histoire de la vie, China Moses n’a pas la douceur de Debbie Davis, mais elle s’en sort bien. Je voudrais déjà être roi souffre d’un problème sur lequel je m’étalerais plus tard. Soyez prêtes est limitée à son plus strict minimum, à savoir le dernier couplet de la chanson (c’était simplement la meilleure chanson du DA… Paix à son âme) mais cela découle du même problème que la chanson d’avant. Et enfin, L’amour brille sous les étoiles… euh… comment dire ?


Je ne sais si c’est parce que les trois-quarts des animateurs sont Pakistanais ou Indiens (et qu'ils ne comprennent donc pas les paroles), mais il me semble que partout sur Terre, quand il est question d’étoiles, on s’attend tous à ce qu’il fasse nuit. Non parce que là, quand la scène se déroule, il doit être 16h30 à tout casser. L’heure du goûter, en fait. Donc, y’a pas une étoile qui brille. Enfin, si, une grosse : le soleil ! P*tain ! Ca, ça mérite la même mandale dans les gencives que les gars qui ont casté une fillette aux yeux marrons pour jouer la mère de Harry Potter dans le dernier film ! Je n’arrive pas à croire qu’il n’y ait pas eu un gars pour souligner que la scène se passait en plein jour ! Et me sortez pas l’excuse de l’animation en nocturne où on voit rien : au clair de lune (pleine lune, j’entends), on voit comme en plein jour ! Sinon, re-regardez Avatar de M. Cameron, et vous verrez qu’on peut faire des scènes nocturnes où on voit clair !


respire et se calme


Quant aux deux chansons rajoutées (dont une qui est clairement là pour justifier la présence (ou le salaire qu’on imagine mirobolant) de Beyonce) : la première – qui bousille une des plus belles musiques d’ambiance du film d’origine, Lea Halalela – est complètement hors de propos (il est de nouveau question d’étoiles, en plein jour) et sans intérêt ; et la deuxième (qui est la première du générique) est à jeter. En même temps, avec Pharell Williams à la réécriture, fallait pas s’attendre à des merveilles… un film n'est pas une boîte de nuit.


Et si on décortique le casting : Jean Reno a vieilli et ça s’entend (Mufasa a une vieille laryngite et n’a plus la majesté qu’il avait autrefois), Ryan Bensetti manque cruellement de conviction, le jeune doubleur de Simba est à baffer (et pas seulement parce qu’il rate toutes les répliques cultes…) et l’alchimie Debbouze/Ivanov ne prend pas. Quant aux deux inconnus qui ont été rajoutés pour jouer les deux hyènes sans cervelle : ils font le taf mais malheureusement leurs personnages n’ont rien à faire là.


Mais en fait, tout ça, c’est rien. Non, le plus gros défaut de ce film, c’est d’avoir voulu faire un film réaliste à partir d’un dessin animé.


Je m’explique : dans un dessin animé, les personnages sont exagérément expressifs pour bien souligner les émotions des scènes (et faciliter leur ressenti par les spectateurs). Dans un dessin animé, tu fais faire ce que tu veux à tes personnages, y compris des trucs impossibles à faire dans la vie réelle. Dans un dessin animé, tu peux bien marquer les différences entre tels et tels personnages en leur donnant des attributs qui n’existeraient pas forcément dans le monde réel.


Or, là, ce nouveau Roi Lion se veut réaliste.


Et qui dit réalisme dit uniformité. Rien ne ressemble plus à une lionne qu’une autre lionne. Idem pour les hyènes (dans la nature, il est même très difficile de distinguer les mâles des femelles). Donc, quand vous vous retrouvez avec la meute de lionnes, en pleine nuit, qui se tiennent toutes côte à côte sans décrocher un mot, eh bien, vous êtes incapable de déterminer qui est Sarabi, qui est Sarafina, qui est Nala. Idem pour les hyènes. On en reconnaît une (dont le nom n’est jamais prononcé, soi-dit en passant) parce qu’elle a une oreille tronquée. Manque de bol, ce n’est pas la plus importante du lot. En étant très attentif, on reconnaît Shenzi parce qu’elle a une crinière rousse plus importante (mais de nuit, dans le feu de l’action, c’est une hyène comme une autre). Il faut un plan bien long sur elle lors de la baston finale pour qu’on se dise : « ah tiens, je crois que c’est Shenzi ».


Qui dit réalisme dit aussi respect des caractéristiques physiques réelles. Et donc, absence de sourcils. Et qui dit absence de sourcils, dit perte d’expression. Les animaux sauvages (en écartant les primates) n’ont pas l’expressivité que peuvent adopter les animaux domestiques (qui se sont habitués à la proximité de l’Homme et ont donc appris à développer leurs expressions faciales). De fait, on a là un Mufasa qui a la même tête quand il présente son royaume, quand il est énervé et quand il s’amuse avec son fils. Idem, Simba a la même tête quand il est agacé, quand il est content et quand il est triste. Et ça détonne totalement avec les répliques des acteurs qui, eux, poussent l’émotion à fond.


Qui dit réalisme dit également respect des comportements réels. Et c’est là qu’on rencontre un gros problème qui se voit particulièrement sur les chansons Je voudrais déjà être roi ou Soyez prêtes. Les deux lionceaux ne pouvaient pas sauter sur les têtes des girafes, être propulsés dans les airs par celles-ci ou être transportés par une autruche. Donc ils courent entre les animaux. Et c’est tout ce qu’ils peuvent faire (ce qui casse tout le côté festif et bondissant de la musique). Même problème pour la chanson de Scar qui ne peut pas minauder comme il le faisait auparavant, qui ne peut étrangler une hyène ou la pousser dans la cocotte-moineau. Idem pour les hyènes qui ne peuvent plus faire des grimaces ou marcher au pas de l’oie. Donc on saborde et on passe directement à la fin avec un vague chœur de hyènes pour faire genre.


Et là, si vous avez bien suivi le film, vous me dites : « pourtant, dans la reprise du Lion s’endort ce soir, on voit des gazelles suivre le rythme de la chanson ! ».


Ce qui me permet d’aborder le dernier point : les incohérences.


Ce film s’est créé des incohérences, tout seul comme un grand, en déviant légèrement du scénario d’origine.


Pourquoi Simba éternue au début du film alors que Rafiki ne le saupoudre pas de sable ?


Combien d’entre vous ont remarqué la présence du troisième lionceau qui disparaît complètement par la suite ? D’ailleurs qui est ce troisième lionceau ? Pourquoi Simba le snobe comme ça en ne jouant qu’avec Nala ?


Comment Simba peut-il avoir complètement oublié qu’il mangeait des antilopes à l’origine (alors qu’il a dû se passer au maximum 1 an depuis son départ du Rocher) ? (Ce qui nous conduit d'ailleurs à la scène la plus gênante du film : pour tout vous dire, j'avais envie de me barrer, comme l'antilope...)


Pourquoi ce face-à-face finale Shenzi/Nala alors qu’on montre essentiellement une opposition Shenzi/Sarabi ?


Et, pour ceux qui l’ont oublié, je vous rappelle que les deux chansons qui parlent d’étoiles se déroulent en plein jour.




En conclusion, nous avons un copié-collé esthétiquement parfait mais scénaristiquement bancal, qui reprend les images en oubliant le son derrière lui (musiques, chansons, dialogues), et qui se prend les pieds dans le tapis qu’il a tissé lui-même en créant des animaux inexpressifs et impossibles à identifier rapidement. Un copié-collé jalonné d’incohérences et qui abandonne les fans de la première heure en leur ôtant tous les petits instants capables de les ramener vingt-cinq piges en arrière.


Pour être tout à fait honnête, s’ils avaient refait Le Roi Lion à la sauce Félins, ça serait beaucoup mieux passé.


Manque de bol, c’est pas le cas…

NicodemusLily
3
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Zyeutés en 2019

Créée

le 29 juil. 2019

Critique lue 230 fois

3 j'aime

NicodemusLily

Écrit par

Critique lue 230 fois

3

D'autres avis sur Le Roi Lion

Le Roi Lion
Walter-Mouse
1

Le roi est mort, vive le roi

Avec leur saccage dorénavant annuel de tous leurs plus grands films d'animation, Disney peuvent se vanter d'avoir inventé un nouveau type de cinéma, celui qui achète à prix d'or l'émotion du...

le 19 juil. 2019

87 j'aime

36

Le Roi Lion
cloneweb
5

Critique de Le Roi Lion par cloneweb

Critique initialement publiée sur CloneWeb.net Tout a commencé en 1950. Oui, en 1950 quand Osamu Tezuka a publié les premières pages du Roi Léo dans le magazine Manga Shonen. Il était question d’un...

le 11 juil. 2019

82 j'aime

4

Le Roi Lion
Sergent_Pepper
7

Savane pour un infant défait

Ce n’est un secret pour personne, la performance technologique est devenu le pitch principal des blockbusters : alors que Cameron prépare depuis dix ans le retour d’Avatar qui franchit un pallier...

le 19 juil. 2019

60 j'aime

8

Du même critique

Le Miroir d'ambre
NicodemusLily
4

Mondial moquette chez les parallélépipèdes rectangles

Enfin ! J’ai enfin fini de lire la trilogie de Philip Pullman : A la Croisée des Mondes. Ca n’a pas été de tout repos. En effet, passée la déception du tome 2 qui glissait de manière flagrante vers...

le 14 mars 2015

14 j'aime

9

New York, Unité Spéciale
NicodemusLily
7

Ma deuxième partie de soirée fétiche

New York : Unité Spéciale, c'est une série que j'ai découvert un peu par hasard. Toujours diffusés en deuxième partie de soirée compte tenu des sujets traités, toujours diffusés dans le désordre le...

le 15 avr. 2014

13 j'aime

5

La Reine des Neiges
NicodemusLily
1

Mince, c'est Noël ! Il faut faire un film !

La Reine des Neiges, mon dernier grand traumatisme Disney. J'avais espéré - au vue de la bande-annonce - être à nouveau transportée dans le monde féérique de la souris parlante... mais c'est un...

le 22 mars 2014

11 j'aime

9