Le Roi Lion
7.8
Le Roi Lion

Long-métrage d'animation de Roger Allers et Rob Minkoff (1994)

"Le devoir d'un monarque va au-delà de sa volonté d'agir."

Tout le peuple de la Terre des Lions est en joie : le Roi lion Mufasa vient d’avoir un enfant, Simba ! En grandissant, ce dernier découvre petit-à-petit les responsabilités de la tâche de roi à laquelle il est destiné… Mais c’est sans compter sur l’influence néfaste de son oncle Scar, qui l’encourage à la désobéissance et à l’inconscience. Cette sinistre tutelle touche son apothéose le jour où, par un plan machiavélique, Scar parvient à faire mourir Mufasa et à faire culpabiliser Simba pour la mort de son père. Dès lors, Simba s’enfuit, pour se réfugier dans l’oubli. Mais on ne peut fuir éternellement devant ses responsabilités…


Imaginée en pleine promotion d’Oliver et Compagnie, alors au moment le plus bas des studios Disney, l’idée à la base du Roi Lion fit du chemin avant d’aboutir au chef-d’œuvre que l’on connaît. Premier film d’animation Disney à ne s’appuyer sur aucune œuvre préexistante, Le Roi Lion n’est toutefois pas dénué d'influences, et celles-ci ne sont pas des moindres. S’appuyant sur un savant mélange des récits bibliques de Joseph et Moïse et du Hamlet de Shakespeare, le film de Roger Allers et Rob Minkoff est sans nul doute le Disney qui parvient le mieux à s’approcher du ton des grands récits tragiques dont il s’inspire. Le souffle de la tragédie classique balaye de long en large Le Roi Lion, et c’est non sans une incroyable émotion que l’on assistera à la première scène de mort frontalement montrée dans un film d’animation Disney, à travers celle, déchirante, de Mufasa, rehaussée par le machiavélisme de Scar qui culpabilise Simba jusqu’au bout. A cette image, Le Roi Lion est sans nul doute un des films les plus durs et les plus matures que Disney ait jamais produits.


D’une profondeur inégalée (car inégalable), le scénario d'Irene Mecchi, Jonathan Roberts, Linda Woolverton et Brenda Chapman (et d'une multitude de scénaristes secondaires) nous plonge par ses dialogues affûtés et ses personnages admirablement brossés au cœur d’une réflexion incroyablement juste sur le pouvoir en interrogeant la limite entre tyrannie et monarchie, que nos esprits démocrates contemporains tendent trop souvent à oublier. Dressant en quelques phrases bien pensées le portrait du souverain juste (voir la citation du film que j'ai mis en titre), Le Roi Lion nous rappelle l’air de rien que le vrai gouvernant est celui qui sait aller au-delà de sa propre volonté pour porter attention à tous les membres de son royaume, membres qui forment un seul corps comme le rappelle la grandiose scène d’introduction.
Film éminemment politiquement incorrect pour qui sait voir et entendre, Le Roi Lion a une portée sociale et politique tout-à-fait inédite : du monarchisme des lions à la dictature de Scar en passant par l’anarchie de Timon et Pumbaa, tout est représenté sous nos yeux. En inscrivant leur récit dans un cadre calqué sur le système monarchique médiéval et en prônant des valeurs finalement plus proches de l'Ancien Régime que de la République actuelles, les scénaristes nous permettent de mieux remettre en question le fonctionnement de nos sociétés contemporaines.
L’opposition entre Scar et Mufasa, puis Scar et Simba, est particulièrement riche de sens, illustrant à merveille ce qui oppose celui qui veut le pouvoir et l’exerce mal et celui qui ne cherche pas le pouvoir mais ne l’en exerce que mieux, car de manière désintéressée. Et ce n’est qu’à partir du moment où Simba ne recherchera plus le pouvoir avec l’avidité de ses jeunes années qu’il trouvera le courage de faire face à ses responsabilités pour rétablir la justice et gouverner en vrai souverain. Tandis que Timon et Pumbaa, qui ne vivent que pour eux-mêmes et s’avèrent incapables de se projeter hors du moment présent, abandonneront leur utopie anarchisante pour aller se mettre au service de l’ordre et aider à renverser la dictature de Scar, qui se pare des atours d’une démocratie et d’une égalité (ici, lions-hyènes) impossibles, mais s’appuie en réalité sur la haine constitutive de l’anarchie des hyènes pour gouverner.
Véritable parabole socio-politique sur l’ordre et le désordre, Le Roi Lion nécessiterait de noircir des pages entières afin de l’analyser de manière exhaustive, tant la réflexion qu’il offre s’avère d’une intelligence et d’une profondeur rarissime dans le domaine de l’animation, preuve que Disney ne prend pas nos enfants pour des idiots, ce qui est d’autant plus sensible grâce à un travail narratif et formel ahurissant. Car ce scénario dense et pensé ne serait rien sans une mise en images qui en soit digne, et c’est peu dire qu’à ce niveau, on est servi.


Le travail hallucinant de centaines d’artistes, aidé par une technique informatique décidément d’autant plus parfaite que son emploi est invisible à l’écran, nous sert sur un plateau d’or une des œuvres les plus abouties des studios aux grandes oreilles. S’appuyant, suivant une longue tradition de Disney, sur des études minutieuses d’animaux en studio, mais aussi de voyages sur le terrain même où se déroule l’intrigue, Le Roi Lion, à l’image de sa célébrissime introduction, est d’une ampleur et d’une beauté visuelle à couper le souffle. Chaque plan est un régal pour les yeux, tant sa perfection apparaît évidente, et la majesté du récit trouve un écho merveilleux dans les images qui le composent.
Il faut en outre ajouter à cette perfection visuelle une perfection sonore, puisqu’Alan Menken laisse le temps d’un film la place à un autre grand compositeur, Elton John, qui, aidé de Tim Rice, mais aussi de Hans Zimmer et Mark Mancina pour l’arrangement vocal et orchestral, nous offre des chansons qui, toutes, parviennent à rester en tête sans jamais lasser. Zimmer, quant à lui, en fervent admirateur de Mozart, comble les espaces entre deux séquences chantées, par une bande originale merveilleuse, mozartienne à souhait (au sein de laquelle on réentendra régulièrement quelques mesures du célèbre Ave Verum du grand compositeur), qui achève de donner au film tout son souffle tant épique que tragique.


Enfin, plus que jamais, les personnages s'avèrent parmi les meilleurs jamais vus dans un film Disney. Du bon roi Mufasa au jeune prince impulsif Simba, en passant par les sidekicks plus profonds qu'il n'en ont l'air de prime abord Timon et Pumbaa, qui réussissent à faire rire sans jamais envahir l'écran (malgré quelques lourdeurs passagères), tout sonne juste. Le sommet étant, bien sûr, l'incroyable Scar, méchant d'anthologie peut-être le plus marquant de tout l'univers Disney (admirablement rehaussé par le doublage de Jean Piat, doublage parfait pour tous les personnages, de toute façon). Chaque personnage a son caractère propre, et surtout, le scénario veille à justifier les actions de chacun d'entre eux, ce qui permet de leur donner une épaisseur et un réalisme impressionnant. Dès lors, dénués de toute gratuité, les personnages du Roi Lion touchent constamment juste, et c'est bien ce qui permet à cette émotion colossale d'émerger pour remuer au plus profond de lui-même le spectateur, parfois plus qu'il ne voudrait se l'avouer.
Ainsi, considéré par une immense part du public comme le meilleur Disney de tous les temps, on ne sait pas trop si Le Roi Lion peut effectivement correspondre à ce titre, mais ce qui est sûr c’est que, s’il n’est pas LE plus grand Disney, il en est à coup sûr le plus profond et le plus noble.

Tonto
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le 9 juin 2018

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Tonto

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