Adapté du roman semi-autobiographique de Georges Arnaud qui a eu une résonance universelle, le Salaire de la peur est un grand classique du cinéma français, qui reçut le Grand Prix du Festival de Cannes 1953. Clouzot, cinéaste exigeant, en fait le chef-d'oeuvre d'un certain réalisme noir, tranchant avec la banalité ambiante des films d'après-guerre.
Récit âpre, haletant et rude, rigoureusement mis en scène dans un suspense explosif si je puis dire, une ambiance trouble, angoissante, étouffante, le spectateur est bringuebalé par un réalisateur qui a l'art de jouer avec ses nerfs, sa mise en scène ne laissant que peu de repos. Une scène tragique comme celle où Montand et Vanel barbotent dans une mare de pétrole est significative de la manière dont le réalisateur mettait ses acteurs à l'épreuve.
Le décor est celui d'une Amérique centrale à l'atmosphère moite et tropicale où survit une humanité naufragée, en proie à l'inaction et à l'ennui. Clouzot campe ses personnages par un long prologue, c'est justement ce qui me dérange un peu dans ce film, ce prologue est trop long, car sitôt le départ des camions, le réalisateur maintient un équilibre parfait entre scènes d'action et psychologie, dans une tension continuelle. Le plus étonnant est d'avoir reconstitué le Guatemala en Provence et en Camargue près d'Uzès, en utilisant les petites routes provençales et en "important" quelques Indiens pour la couleur locale.
C'est dans ce film que Yves Montand, en maillot poisseux et barbe de 8 jours, gagna ses galons de vedette, c'était son 5ème film, tandis que Vanel y gagna un prix d'interprétation ; la part accordée à Folco Lulli et à Peter Van Eyck est également méritoire. Clouzot y témoignait d'une vision assez pessimiste de l'humanité, les personnages entretiennent des relations sado-masochistes, la peur prend aux tripes sur les routes du destin où des camions trimbalant la nitro peuvent sauter à n'importe quel moment. Une mécanique bien montée et aux émotions fortes.

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le 2 juin 2017

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