Session Ghibli, huitième séance : Le Tombeau des lucioles.

Ikue Asazaki - Obokuri-Eeumi


Passage obligé du type sensible, avec un cœur gros comme ça, coulant comme un camembert laissé à l'extérieur du frigo un jour de canicule. Tu sais, ce genre de type qui n'aime pas la faim dans le monde, la guerre et le capitalisme outrancier que je suis.
Bon, ben Le Tombeau des lucioles est un peu le tire-larme que je craignais. Que je regardais de loin. La boule au ventre à l'idée de venir y déposer mes pleurs.


Ben ouais, tu vois, j'y ai pas coupé, j'ai eu la gorge serrée, les larmes perlant au coin des yeux. Tout le grand tintouin qui brise ma virilité d'homme viril, de macho-macho man en me rendant tout mou comme un chamalow abandonné dans la forêt un jour de pluie après un feu de camp scout.


Et tu sais que là je meuble parce que franchement je sais pas trop quoi te dire sur ce film. J'ai vu qu'il y avait plein de chouettes critiques dessus qu'il me faudrait lire. Je me demande si tu devrais pas aller les lire toi aussi... Vraiment !


Moi je vais essayer de décrire avec mes petits mots à moi ce que le bout de film d'une heure vingt six de Takahata m'a inspiré, ravalant mes sanglots.


Question émotion, les premières minutes donnent le ton et nous voilà ventre noué par l'implacable ambiance de cet excellent métrage où l'espoir nous est immédiatement retiré, la mort de Seita présentée dès les premières minutes.
Spectateur impuissant d'un dénouement tragique annoncé, nous assisterons alors en compagnie des esprits de Seita et de sa petite sœur Setsuko au déroulement des évènements les ayant amenés où ils sont. Setsuko, d'ailleurs, véritable petite bombe à émotion pour le spectateur, le genre de petite-fille qui fait pleurer dans les chaumières.


De toute façon moi, fillette signifie larme maintenant. Irrémédiable.
Je peux plus passer à côté d'une école, sans raison je me mets à chialer et à en serrer une dans mes bras pour pas qu'elle meurt. Je deviens hystérique.
T'imagine pas les problèmes...


Enfin, je m'égare.
Prenant place pendant la seconde guerre mondiale dans un japon en passe de perdre le conflit, sans cesse bombardé par l'aviation américaine, Takahata accroche son objectif au plus près d'un frère et sa petite sœur qui perdent leur mère durant un raid sur Tokyo. Rescapés inattendus et bientôt poids mort pour une famille lointaine qui leur fait sentir à chaque instant qu'ils sont de trop, ils finissent par déserter et survivent un temps dans un abri anti-aérien, tout d'abord à peu près décemment puis de plus en plus dénués de tout, rejetés, vivant de rapines, ils finissent par lentement dépérir.
Très lentement.


Alors, dit comme ça, je pense que toi derrière ton écran tu te demandes quand même ce qu'il y a de bien dans ce film. Parce que pour l'instant je décris un peu un truc misérabiliste au possible qui va chercher à taper sur la corde sensible à fond.
Il manque plus que Tom Hanks au générique et on touche au mélo un peu putassier qui vise les larmes, les larmes et uniquement les larmes.


Ce serait faire gravement offense au génie de Takahata qui fait vivre un instant, le temps d'une bobine, ces pauvres oubliés du conflit. Ces dommages collatéraux, ces pertes excusables prennent le visage de ces deux bambins attachants, courageux dans l'adversité, si bien mis en image et développé, loin de la caricature.


Ce qu'on leur oppose, c'est l'humain dans ce qu'il a de plus inhumain. La mort sans visage venant du ciel n'est qu'un déclencheur de l'hostilité généralisée, dévoilant le vrai visage des gens. Nationalisme exacerbé, sentiment guerrier donnant lieu à la bêtise la plus franche, industrie de mort glorifié qui fait mourir les parents et souffrir les enfants, et c'est mal. Tout bêtement.


Et à cette morbidité urbaine inhumaine s'oppose, l'espace d'un instant, un havre de paix naturel, près d'un étang. Un instant on espère mais comme la vie d'une luciole, l'espoir ne dure qu'un temps. Revient la lente descente aux enfers au milieu d'une société froide, insensible à son prochain.


La mort en soit n'est un mal, cela suit le cours des choses. C'est l'indifférence, les haines, les conflits qui sont dénoncés.
C'est l'opposition entre l'innocence, la nature comme pansement contre les blessures de la société.


C'est le crayon contre l'oubli, pour que la lueur vacillante de la luciole soit capturée à tout jamais.


Et c'est ça, qui m'serre un peu la gorge.

Petitbarbu
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le 10 août 2015

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Petitbarbu

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