Et si Jaco Van Dormael était le réalisateur le plus énervant du monde ? Ou d'Europe de l'ouest au moins ? J'ai beau chercher, je vois pas de type à même de rivaliser avec l'emphase et la mégalomanie qui suintent de ses films (si seulement l'auteur du "Jour et de la Nuit" avait voulu se donner les moyens de poursuivre ses efforts... ou même Jean-Jacques Beineix qui n'en fout plus une)


Déjà son Mister Nobody avait le don d'agacer profondément : Une fresque grandiloquente & intemporelle "à la Wachowski" (en gros un sous sous Cloud atlas) avec déjà une très forte coloration clipesque. Les plus indulgents ont salué la prise de risque, les autres ont surtout subi la longueur extrême qui leur a au moins fait prendre conscience de l'extrême fugacité de la vie et donc de l'absurdité de leur présence dans la salle de cinéma.


Venons-en à l'affaire qui nous intéresse, et ne perdons plus de temps à revenir sur le casier cinématographique du bonhomme - long comme la 3e jambe de Makelele. Le tout nouveau testament est truffé de ces plans qui évoquent un JP Jeunet benêt. Il est du genre "généreux" le Jaco, à la façon d'un boucher approximatif qui dirait à chaque client "y en a plus je laisse", rétif au tri, il régale les non gourmets d'un foisonnement d'idées. Elles sont juxtaposées en dépit du bon sens et ne servent qu'à exhiber la sensibilité et la "poésie" de son créateur. Dans les faits, ses plans n'auraient vocation qu'à être utilisés dans des pubs pour promouvoir la fibre d'SFR ou rendre hommage à l'action du Secours Populaire.


Sa poésie de gros relou est ordinaire, elle est déjà vue, et à la portée de n'importe quel étudiant en art du spectacle de la fac de Nanterre (le poisson fantôme qui chante la mer de Trenet devant la petite fille, le chef d'orchestre qui guide les oiseaux migrateurs, c'est pas un habillage d'Arte entre deux programmes ça madame ? ça pourrait du moins...) ses pseudos inventions visuelles lui donnent l'impression d'être un Tim Burton belge, en plus humaniste, mais l'extrême mièvrerie du propos le rapproche plus d'un Philippe Muyl (pour info cher lecteur, c'est LA plus grand vacherie de la chronique 100% à charge).


Jaco exhibe son humanisme en bandoulière, et pense avoir, de ce fait, tous les passes droits. Et ce n'est pas la presse qui va le détromper sur la question. Télérama a jugé qu'il s'agissait d'un "triomphe hilare" (c'est écrit sur la jaquette du DVD !). Si le type qui a écrit cette appréciation vous propose une partie de mikado ou un weekend en Sibérie, fuyez. Car je ne vois ni l'un ni l'autre. Je ne vois pas à quel moment du film cette formule a pu frapper l'esprit du journaliste. Ce n'est certainement pas une comédie, malgré les présences de Damiens et Poelvoorde. A moins que de faire tomber un personnage dans la flotte suffise à être estampillé "triomphe comique" 2015.


Venons-en au pitch : Dieu existe, il vit à Bruxelles avec sa femme et sa fille. C'est Benoit Poelvoorde, qui joue le beauf, machiste qui tape sa fille, (et qui doit aussi se gratter les couilles j'imagine) et qui est responsable de tous les malheurs du monde par pur sadisme. Il a un ordinateur vieillot genre Amstrad sur lequel il édicte des lois de murphy qui s'imposent à toute l'Humanité. Sa fille de 10 ans lassée de sa tyrannie, entreprend de se rendre sur terre... enfin dehors, oui c'est pas clair du tout cette histoire de "Dieu vit à Bruxelles !", pour au final nous expliquer qu'il doit se rendre sur terre via un passage digne d'un film de Dupieux (une nouvelle fois ce cousinage n'est pas un compliment...). Elle prend donc un portail lave-linge direction Bruxelles afin d'inspirer des évangiles à une poignée d'individus, tout ça pour rendre le monde meilleur.


Le procédé de l'enfant narrateur est déjà agaçant en soi. Pour dire les choses de manière politique, on ne masque pas facilement le propos d'un soixantenaire niaiseux et un brin mégalo derrière la voix aigrelette d'une enfant de 10 ans. On rencontre donc successivement 5-6 personnages complétement déboussolés, car la petite Léa a pris soin de foutre le boxon en révélant à chacun la date de sa mort. C'est la moins mauvaise idée du film.


Léa rencontre coup sur coup, une belle nana handicapée qui rend un tueur holistique fleur bleue, un mec qui glande sur un banc, un obsédé sexuel qui retrouve son amour de plage et qui retrouve son innocence, un inévitable enfant trans qui veut s'habiller en fille et qui est condamné à mourir empoisonné à petit feu par sa mère trop protectrice, la femme délaissée par son mari qui couche avec un jeune lascar avant de passer carrément à la bestialité (enchainement très douteux au passage si on réfléchit bien), aucun cliché humaniste postmoderne ne nous est épargné. Je pense que s'il faisait le film en 2021 il rajouterait l'évangile d'une migrante intolérante à la fécule de tapioca inventrice d'une appli smartphone pour livrer des calins aux gens en mal d'affection. On est à ce niveau de débilité.


Son postulat de base est simple : L'Homme est pur, il n'est pas responsable de ses malheurs puisqu'il y a pas d'humain mauvais, tous ont leurs raisons, tous ont leurs fêlures, c'est la faute de Dieu si le monde est un sale endroit (d'ailleurs dieu a inventé les skinheads ! hasard ou coïncidence, Dieu est-il d’extrême droite ?). Mais les Hommes sont bons, c'est le seul truc dont Jaco est sûr. C'est son postulat de base, qui est donc foireux pour 1000 raisons que des siècles de penseurs ont exploré avant moi.


On va parler cash, Deneuve qui se fait enfiler par un gorille de 300 kgs était l'ultime outrage qu'aucun spectateur ayant survécu à 2020 ne méritait de subir (oui j'ai vu le film récemment). Un truc qui fait même de la peine. Catherine en est là, elle a tellement besoin de la caméra qu'elle accepte de se prêter à un truc pareil. Vous imaginez Belmondo accepter de coucher avec une guenon ? Bon Belmondo c'est un mauvais exemple car il s'en foutait et aurait pu le faire dans une guignolade sans problème. Mais prenons Delon par exemple, est-ce que Delon aurait accepté de masturber une girafe pour tromper sa solitude ? A part dans un Bunuel je veux dire ? Certes non. C'était pas le genre à accepter ça. Mais maintenant oui...


Eh bien, c'est la première fois que j'éprouve de la pitié pour l'ex égérie de Lancôme. Elle qui fut un sex-symbol, qui tourna avec les plus grands, qui personnifiait la femme forte et indépendante, et le glamour français depuis les années 60, elle finit entre les griffes d'un gorille en latex mal fait. Elle aurait fait un smack à l'ours Paddington que j'aurais laissé pissé. Mais là... C'est vraiment ce que veulent les femmes ménopausées ? une biffle simiesque dans la jungle ? Jaco se hasarde, son humanisme se lézarde au fil du film.


Poelvoorde fait le con sans se fouler, sa consommation excessive de jus fermenté et le script merdique ne lui permettant pas de faire beaucoup plus. Quand je pense à Mr Manatane, en 95 il aurait jamais accepté de jouer dans une merde pareille, pire il en aurait fait un sketch caustique sur un réalisateur limité qui se prend pour Terry Gilliam.


La fin maintenant, je l'expédie parce que je suis entrain de m’énerver tout seul : le méchant Dieu est expulsé vers l'Ouzbekistan (?!) et les gens ne meurent plus. Car Yolande Moreau, la femme de dieu pourtant complétement abrutie par les tâches ménagères et sa liaison toxique millénaire a pris les commandes du monde, ( = le message un brin démagogique sous-jacent vaut bien une chanson de Grand corps malade). Du coup tout est permis, on peut respirer sous l'eau, la gravité est en option, bref c'est le monde rêvé. Jaco viendrait nous expliquer que les femmes sont d'incorrigibles nunuches qui peignent tout en rose au sens propre et récuseraient les lois de la physique car "pas marrantes" qu'il ne s'y prendrait pas autrement.


"LTNT" ressemble à un film imaginé par le double fictionnel d'Eric Judor dans Platane (celui qui veut monter la môme 2 next gen). Personne ne semble pouvoir le canaliser et lui expliquer que toutes ses idées ne sont pas bonnes à tourner. C'est à se demander ce que fabriquent ses producteurs. Reste une question centrale, mais qu'est-ce que Pascal Duquenne est allé faire dans cette galère ?

Negreanu
1
Écrit par

Créée

le 1 févr. 2021

Critique lue 288 fois

2 j'aime

7 commentaires

Negreanu

Écrit par

Critique lue 288 fois

2
7

D'autres avis sur Le Tout Nouveau Testament

Le Tout Nouveau Testament
pphf
7

Le testamour du testament

Ou comment attraper cette histoire belge, au surréalisme si personnel (et on ne dira jamais assez tout ce que la Belgique a pu apporter au surréalisme, d’Achille Chavée à Magritte) ? Peut-être à...

Par

le 4 sept. 2015

41 j'aime

7

Le Tout Nouveau Testament
Cyprien_Caddeo
7

La Vie de Jaco

Y a-t-il sujet plus casse-gueule au cinéma que la religion ou la thématique de Dieu ? Gaspard Noé vous répondra sans doute « oui, faire un porno d'auteur en 3D », mais toujours est-il qu'en...

le 2 sept. 2015

41 j'aime

8

Le Tout Nouveau Testament
Watchsky
4

Benoît Tout-Puissant

Dieu existe. Il habite à Bruxelles. Incarné par Benoît Poelvoorde, celui-ci est un être odieux s'amusant de la misère humaine et qui vit dans un petit appartement avec sa femme et sa fille. Mais un...

le 7 sept. 2015

28 j'aime

3

Du même critique

The White Lotus
Negreanu
7

The tanned

Saison 1 :Voilà une série qui n'a pas fait grand bruit à sa sortie et qui est pourtant riche d'une écriture assez unique. En cette période de disette, où toutes les séries sont standardisées,...

le 14 déc. 2022

36 j'aime

3

The Outsider
Negreanu
4

Et si The Outsider était la nouvelle arme des américains pour faire chier nos jeunes ?

Un meurtre d'enfant aussi sauvage que sordide, des preuves accablantes qui incriminent contre toute attente un citoyen respectable d'une paisible bourgade (elles le sont toutes là plupart du temps...

le 10 mars 2020

29 j'aime

6

Mort à 2020
Negreanu
2

Death to "Death to 2020".

Charlie Brooker n'y est plus. Les deux dernières saisons de Black Mirror le laissaient présager, mais son faux docu sur 2020 pour Netflix est le plus souvent consternant et confirme la mauvaise passe...

le 6 janv. 2021

25 j'aime

10