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le 4 sept. 2015
Le testamour du testament
Ou comment attraper cette histoire belge, au surréalisme si personnel (et on ne dira jamais assez tout ce que la Belgique a pu apporter au surréalisme, d’Achille Chavée à Magritte) ? Peut-être à...
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Y a-t-il sujet plus casse-gueule au cinéma que la religion ou la thématique de Dieu ? Gaspard Noé vous répondra sans doute « oui, faire un porno d'auteur en 3D », mais toujours est-il qu'en s'aventurant sur les sentiers du divin, Jaco Van Dormael prenait d'énormes risques – ce qui est déjà à saluer en soi, son dernier film – Mr Nobody – s'étant magistralement viandé.
Au final, le réalisateur belge évite les pièges en signant une œuvre unique, déjantée, bordélique, un foutoir entre film à sketchs et pure métaphore onirique, dont il est difficile de parler, tant l'expérience est avant tout sensorielle et personnelle – de fait, inutile de dire que ça ne plaira pas à tout le monde.
Par où commencer alors ? Par la Genèse, en toute logique. Au commencement, il y avait Dieu. Benoît Poelvoorde, seul sur les affiches et élément central de la promotion du film. Première surprise, il n'est en fait qu'un personnage secondaire dans son film, se faisant voler la vedette par son engeance, la petite Ea, et ses six nouveaux apôtres. On voit comment la bande-annonce nous a trompé : ce qui partait pour être une comédie déjantée se trouve en fin de compte être une œuvre bien plus sombre et grinçante, mais surtout beaucoup, beaucoup plus complexe.
Le film est en fait très chargé, prenant des allures de boxon sans queue ni tête, le tout parvenant malgré cela à trouver un équilibre miraculeux, grâce à une réalisation léchée et méticuleuse, qui parvient à faire un lien pas toujours évident entre des scènes dont le ton diffère complètement. La forme choisie, un découpage en chapitres – en Évangiles, en fait – rapproche le film d'une structure à sketchs, ou chaque acteur a son moment pour être le personnage central de son histoire. D'une scène à l'autre, on rit, on serre les dents, on est choqué, on réfléchit, on se gratte la tête, dubitatif. On s'émerveille.
Devant autant d'éléments, chacun sans doute trouvera quelque chose à tirer de ce Nouveau Testament. Peut-être est-ce cela au fond, le pivot central du film : le nouveau testament doit parler à tous, individuellement, loin de tout dogmatisme à prétention universelle. Mais au-delà de cela, les pistes d'interprétation sont multiples : les féministes se féliciteront sans doute de la fin, en forme de revanche des femmes sur l'homme chef de foyer ; les cyniques comprendront que face à la laideur du monde, la seule explication possible est que Dieu est un salaud ; les philosophes y verront une dissertation sur la valeur fondamentale de l'incertitude...
Les aficionados du non-sense britannique feront peut-être le lien avec le Monty Python Terry Gilliam, et notamment avec son Zero Theorem : dans ce film, comme peut-être dans celui de Van Dormael, on peine à donner du sens à l’œuvre, jusqu'à ce que nous apparaisse le message – on perd son temps et on passe à côté de la vie, lorsque qu'on cherche à lui donner du sens. Ce message relativement anti-croyances n'est pas si clair dans le Tout Nouveau Testament, mais au vue de l'imbroglio de situations et d'éléments non-réalistes qui n'ont aucun sens à première vue, il est peut-être une clé de compréhension pouvant remettre un peu d'ordre dans ce poétique foutoir. Peut-être ne faut-il pas lui chercher du sens : il ne parle que de la poésie de la vie. Ou peut-être pas : prétendre détenir le véritable message de ce film est décidément de l'ordre de l'impossible. Difficile même de dire si j'ai trop écrit, ou pas assez, sur le film.
Une chose demeure certaine : le cinéma belge a accouché d'un bien beau bébé, un objet filmique non-identifié et non-identifiable, profondément teinté d'humour belge, qui fera sans doute date dans son Histoire. Tremble, cinéma français, car ton cousin du nord vient de te donner une leçon de créativité.
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Créée
le 2 sept. 2015
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7
le 4 sept. 2015
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