Il est des musiques de film qui contribuent grandement à leur lancement, ou inversement, ou réciproquement...Ainsi "Porque te Vas" fit un tabac à l'époque de sa sortie en 1974... Assez curieusement puisque la chanson était complètement différente des tubes contemporains des seventies. De plus, c'était chanté en espagnol, interprété d'une voix rauque par Jeanette, et extrait du film "Cria Cuervos" comme ne manquaient pas de la rappeler les présentateur radiophoniques dits speakers... La chanson rapporta bien plus que le film sorti bien plus tard et qui fit lui, un flop retentissant...
Ce fut un peu la même chose pour Anton Karas qui fut touché par la grâce d'Euterpe en créant la musique du "troisième homme"et en faisant découvrir et écouter au monde entier le son pincé de la "cithare autrichienne"aujourd'hui tombée dans l'oubli...
Remettons les choses dans leur contexte... 1949, le monde se remettait difficilement des atrocités de la seconde guerre mondiale. Dans une France dévastée, les habitants avaient envie de renaître à la vie, besoin de renouveau, d'amusement, et les jeunes instinctivement de refaire et rebâtir un monde plus pacifique.
Ce film venait montrer que l'Autriche elle aussi, avait payé un lourd tribut à la guerre : on voit de nombreuses images d'une Vienne dévastée et à l'époque gérée fort difficilement avec quatre différents secteurs d'occupation alliés... Générant une suspicion ambiante générale. Ceci d'autant que la chasse était ouverte contre les trafiquants de pénicilline qui avaient fait beaucoup de ravages eux aussi... C'est d'ailleurs le thème de départ de l'histoire de ce" troisième homme"... La promo pour les films n'existait pas encore : la Presse commençait à renaître, la radio n'avait pas encore découvert le poste à transistors et la TSF était confidentielle... La renommée d'un film se faisait alors essentiellement par le bouche à oreille : ils sortaient d'abord dans les grandes salles, puis dans les cinémas de quartier : leur durée d'exploitation était bien plus longue que de nos jours si l'on considère que la diffusion en ville était prioritaire aux communes plus reculées... On ne sait donc plus trop si c'est le film qui a fait le succès de la sa musique, ou l'inverse. La cithare faisait partie de ces nouveautés que chacun attendait et créa à l'époque la surprise autant que les guitares électriques (solo, accompagnement, basse) se substituant aux guitares sèches et ayant conduit au succès du rock et dérivés...
Le succès musical de ce film fut aussi retentissant aux USA... Ce qui explique peut-être que ajouté au fait que les loisirs étant encore peu nombreux à l'époque, "le troisième homme" fut un succès au box-office avec 5,701 784 MM spectateurs en France, et une troisième place sur le podium derrière... Jeanne d'Arc... Le nom fut aussi attribué à la musique qui de fait s'appelait initialement : "Harry Lime Thème" moins "porteur" !
En réalité, de nos jour, la cithare inonde tellement le film qu'elle finit de nos jours par être agaçante tant elle est lancinante et envahissante ! Pire qu'une scie !
Quand au film, si beaucoup de monde crie au chef d’œuvre, j'ai essayé d'être objectif après l'avoir vu à plusieurs reprises mais ce n'est guère mon avis ! Les trois scénaristes qui se sont penchés sur l'histoire ont créé un récit sans homogénéité, compliqué, pas très vraisemblable, et la répartition du temps n'est guère un modèle du genre. Pendant plus d'une heure, on s'attarde sur un écrivain alcoolique enquêtant sur un accident de la route... C'est mou et sans guère de suspense.... Sauf à la fin sur une idée d'Orson Welles de traque infernale qui met un peu de peps et de suspense à l'aventure (il était temps)
Il aurait réécrit ses dialogues de "la grande roue" tant il les trouvait mauvais... Et les fans de la star auront été déçus, l'acteur n'intervient que très peu dans l'histoire : venu là faire une "brocante" pour boucler le financement d'une de ses propres productions !
Quant à la réalisation, elle est très moyenne avec des passages franchement pénibles comme celle du gamin qui vagit en prétendant avoir reconnu un assassin qu'il dénonce, et en courant après. La traduction n'a probablement pas arrangé cette séquence. Même remarque au sujet de la concierge des logements qui n'arrête pas de hurler quand la Police intervient dans le bâtiment... Et finit par se laisser amadouer par un paquet de clopes... Plus très convaincant de nos jours.
Mais le succès fut tel à l'époque que les ciné-clubs continuèrent à faire vivre le mythe et qu'on attribue au film des qualités qui à l'époque auraient peut-être surpris Carol Reed lui-même...
Mort à 70 ans, le metteur en scène britannique fut le premier à être anobli pour l'ensemble de son œuvre.
Un peu comme pour "Porque te vas" : un grand succès pais un peu surprenant...
Arte le 28.09.2015-la trois (RTBF) le 15.10.2019- Arte le 26.03.2023-28.03.2023-