Vu le film il y a une semaine et je n’arrête pas d’y penser. Et pas qu’en bien car je trouve ça plus détestable que brillant, mais j’y pense, alors qu’en sortant de la salle j’étais plutôt dans le mood « C’est de la merde ». C’est un peu tout le contraire d’Un couteau dans le cœur, Le monde est à toi : L’un assume clairement son penchant nostalgique et romantique quand l’autre se croit in, avec son esthétique de clip, alors qu’il fait réchauffé. Il pourrait être un cousin éloigné de Spring breakers et The Bling ring ou un frère de la Crème de la crème – On sait que Gavras et Chapiron ont fait leurs armes ensemble. Mais son obsession pour Scarface l’empêche de trouver une vraie identité, qui ferait pas de lui un ersatz de True romance dans une ambiance à la Very bad trip. Ça donne un truc un peu informe sur le papier, hein ? Et bien à l’écran c’est pareil, mais pas toujours dans le bon sens tant on sent que le film recycle plus qu’il n’est inventif. Il recycle bien, c’est tout.


 Pourtant, des idées le film n’en manque pas, suffit d’énumérer la galerie de personnages excentriques qu’il déploie et pas forcément les centraux, à l’image de Poutine, le caïd complètement lunatique et cocaïné, capable de monter dans des accès de rage tonitruants avant d’aussitôt redescendre dans un concert de sanglots. Mon personnage préféré du film, sans hésitation possible. Je le cherchais partout. Mais il fait figure d’exception, Le monde est à toi échoue dans son exubérance, c’est un film beaucoup trop sage. Il se satisfait d’une saillie ici mais ne creuse jamais. C’est comme l’idée de tourner à Benidorm, c’est génial. C’est l’un des endroits les plus laids et vulgaires qui soient. Mais Gavras n’en fait pas grand-chose. Il va balancer deux/trois plans pour capter la verticalité effrayante des lieux (On se croit sorti des Bruits de Recife, de Mendonça Filho) et c’est tout, histoire d’en mettre plein les yeux comme il en mettait d’emblée plein les yeux (pour rien) dans le plan séquence circulaire introductif suivant Karim Leklou traversant la cité.
Adjani disait en interview que le film est barré et déjanté mais c’est curieux car je ne vois rien de vraiment barré et déjanté – Possession, de Zulawski c’était déjanté, ça oui. Là c’est relativement sage et bête d’autant que ça surfe sur plusieurs modes dans sa distribution tape à l’œil faite d’acteurs disparates – Cassel est celui qui s’en tire le mieux là-dedans, aussi drôle et touchant qu’il était ridicule chez Dolan : Il y a des excès qu’on peut jouer et d’autres pas. Et Karim Leklou est bien, aucun doute là-dessus. Mais j’ai un peu de mal avec ce mec. A la fois je le trouve toujours bien (surtout dans Coup de chaud, de Raphaël Jacoulot) à la fois je trouve qu’il fait plus office de bon élève (un poil décalé) qu’autre chose. Et puis le film se réclame ouvertement de Scarface, ça ne fait aucun doute : Le titre, déjà, tant la référence à « The world is yours » clignote. Et si Tony Montana rêve d’être le plus gros gangster de Miami, François rêve juste du petit pavillon, avec une petite piscine qu’il a trouvé en photo sur Internet. D’où la bonne idée de faire du film une comédie, avant tout. C’est pas poilant mais c’est parfois drôle, oui.
L’utilisation musicale permet d’y voir clair quant au vertige de vulgarité qui transpire du film. C’est vrai, quoi, parvenir à balancer du Balavoine, du Sardou, du Voulzy, du Toto, du PNL, du Jul en enrobant le tout d’une partition originale signée Jamie XX et Sebastian ça en jette, non ? Moi j’ai trouvé ça obscène. Enfin c’est trop, en fait. Et en même temps il faut bien reconnaître que ces morceaux sont placés aux bons endroits, que ça arrive toujours quand il faut, que c’est drôle de voir Adjani fredonner Cocktail chez Mademoiselle, de Voulzy, que c’est hyper drôle d’entendre Cassel dire que Balavoine a tout compris à la vie quand il chante La vie ne m’apprend rien et que c’est encore plus drôle d’entendre le morceau quand le film s’en va en happy end façon Scarface du pauvre. Et puis t’as des idées comme Philippe Katerine et les zaïrois, François Damiens et les érythréens, certes ça fonctionne un peu en sketch fermé, mais faut bien reconnaître qu’on ne voit jamais ça dans la comédie française, qu’on ne va jamais jusque-là. Bref, le film m’agace, mais il a un truc, c’est certain – Et j’avais dit sensiblement la même chose de Notre jour viendra, le premier Gavras, il y a huit ans.
JanosValuska
5
Écrit par

Créée

le 14 nov. 2018

Critique lue 846 fois

4 j'aime

JanosValuska

Écrit par

Critique lue 846 fois

4

D'autres avis sur Le monde est à toi

Le monde est à toi
Kobayashhi
6

Poutine vs les Illuminati

Alors celui là, je ne l'attendais pas... Comment aurais-je pu penser que Romain Gavras qui réalise son deuxième film ici 8 ans après son premier essai se retrouve à réaliser l'une des comédies les...

le 14 mai 2018

58 j'aime

10

Le monde est à toi
Velvetman
7

True Romance

Tout festival de Cannes a besoin d’une petite bouffée d’air frais, de ce film qui pulse, et qui égratigne les rétines avec son côté pop débridé. Ça tombe bien, la Quinzaine des Réalisateurs 2018...

le 13 août 2018

56 j'aime

Le monde est à toi
EricDebarnot
4

La bêtise et la laideur

Un film qui commence sur une chanson de Michel Sardou va avoir du travail pour gagner mon adhésion. A moins que cela ne soit de la dérision, mais ça n'en devient pas moins impardonnable. "Le Monde...

le 4 sept. 2018

52 j'aime

36

Du même critique

La Maison des bois
JanosValuska
10

My childhood.

J’ai cette belle sensation que le film ne me quittera jamais, qu’il est déjà bien ancré dans ma mémoire, que je me souviendrai de cette maison, ce village, ce petit garçon pour toujours. J’ai...

le 21 nov. 2014

32 j'aime

5

Titane
JanosValuska
5

The messy demon.

Quand Grave est sorti il y a quatre ans, ça m’avait enthousiasmé. Non pas que le film soit  parfait, loin de là, mais ça faisait tellement de bien de voir un premier film aussi intense...

le 24 juil. 2021

31 j'aime

5

Le Convoi de la peur
JanosValuska
10

Ensorcelés.

Il est certain que ce n’est pas le film qui me fera aimer Star Wars. Je n’ai jamais eu de grande estime pour la saga culte alors quand j’apprends que les deux films sont sortis en même temps en salle...

le 10 déc. 2013

28 j'aime

8