3,75/10


Digne d’être paradigmatique de la médiocrité possible des films « cultes » . Pour commencer par des généralités, le ton-même du film est malaisé à discerner, l’alternance entre humour, comédie sentimentale (assez niaise) et drame mettant le spectateur en position difficile. Le ton semble pourtant être globalement à la comédie, entre une première scène bouffonne, la galerie de stéréotypes (le malfrat psychopathe, qui en plus travaille dans la police, le junkie, le Barracuda, la famille complètement caricaturale, le tueur à gages à l’italienne), et les pointes d’ « humour », d’ailleurs rarement plaisantes (le joggeur qui s’avère en fait un personnage important, Mathilda (Nathalie Portman) prétendant à l’hôtelier être la maîtresse de Jean Reno, etc.) Mais en se plaçant dans cette optique, le meurtre de la famille, notamment celle de la mère dans son bain et du petit frère, un certain gore, ou la scène hyper-sérieuse des SWAT, surtout quand ils assassinent involontairement leur propre camarade en le prenant pour le gangster, mettent vraiment mal à l’aise. Si le but de cette alternance était la production d’un effet de réel, on peut le considérer comme manqué, l’artificialité , et l’invraisemblance dominant largement le film (comment la fille peut-elle parler et agir avec cette « maturité », malgré sa jeunesse, son absence complète d’éducation, et surtout les émissions qu’elle regarde - seulement Goldorak ? Comment ce « chef de la brigade des stups » peut-il avoir le pouvoir de faire appel à une armée sur-équipée pour l’arrestation ou l’assassinat d’un seul homme? Comment la fille peut-elle si vite se lier d’amitié, puis d’amour pour Jean Reno, sans se dire une seule fois que, finalement, son métier aurait très bien pu le conduire à être l’assassin de sa famille? Ou serait-il un tueur à gages plus « moral » ? Ce n’est pas ce qu’en montre le film, et l’assassinat de tant d’agents des SWAT, même justifié par l’auto-défense, n’est pas là pour étayer cette idée. Cela conduit assez naturellement à critiquer, négativement, la création psychologique des personnages, toute en poncifs peut-être même mal maîtrisés. Qui est vraiment Jean Reno ? Présenté comme un gentil qui s’en prend à des gangsters, on ne le voit jamais prendre un contrat (alors qu’il reçoit bien des ordres et que son argent vient bien de quelque part), aucune réflexion n’est proposée sur son métier, et il tue indifféremment malfrats et policiers, sans remise en cause. Et puis était-il vraiment utile de tant insister sur son aspect « tueur au grand coeur » ? Pour le plaisir du contrepoint entre le tueur qui a la « classe » et qui vainc un gangster sans efforts et le débile (quand même !) qui reste béat devant une comédie musicale américaine, pourquoi pas (même si…). Mais tout au long du film ! Avec le contraste, marqué avec un martèlement insupportable, entre l’adulte un peu gamin et la gamine très adulte - contraste qui d’ailleurs fonctionne assez mal : difficile d’imaginer qu’un tueur à gages aussi performant ne sache pas lire les noms de ses victimes sous leur sonnette ; ou on ne sait pas trop bien, pour ne donner qu’un seul exemple, ce que Mathilda pensait faire en allant au commissariat avec…deux pistolets (?) et plusieurs boîtes de munitions (?) dans un sachet papier (?), sans d’ailleurs même oser y toucher quand l’occasion s’en présente ? Ou pour le plaisir s’un autre exemple, après que Jean Reno vient la sortir du piège auquel elle a couru, tuant au passage deux acolytes de Gary Oldman, ils se contentent…de rentrer se reposer chez eux (?), sans se dire une seule seconde que le chef de la bande est évidemment à leurs trousses, et sait certainement où les trouver ? Peut-on sérieusement penser que Luc Besson renouvelle dans quelque mesure que ce soit ce stéréotype du couple adulte-enfant ? D’autant qu’il y a finalement plus de scènes d’émotion qui n’en font pas vraiment (ou pas du tout) ressentir que de scènes d’action ou de scènes psychologiques…. Un dernier mot peut-être pour la structure du film, si mauvaise que l’on se demande pendant une bonne heure quand il va enfin se passer quelque chose, ce qui est tout de même un comble pour un film de gangsters ! (critique de 2011)

XipeTotec
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le 26 août 2017

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