Actuellement, seuls quelques réalisateurs peuvent se targuer de faire le buzz avant chaque sortie de film. Une sortie qui s’annonce presque un an à l’avance et qui tient en haleine des millions (oui oui, des millions) de fans. Quentin Tarantino fait partie de ce cercle très fermé et son dernier film actuellement sur grand écran est un nouveau Western au nom évocateur, Les Huit Salopards.


Temporellement, seule la guerre de Sécession sépare le précédent film de Tarantino, Django Unchained, aux Huit Salopards. Par contre, l’action ne se déroule plus dans le Sud des États-Unis et ses paysages aux multiples facettes, mais dans les montagnes du Wyoming, un État du Nord traversé par les Rocheuses. Cet enfer blanc est le décor idéal pour un Western original.


Rattrapé par le blizzard, une diligence atteint péniblement un refuge, la mercerie de Minnie, pour attendre patiemment le passage de la tempête. A son bord, le chasseur de prime John Ruth et sa captive, Daisy Domergue, accompagnés, suite à des rencontres fortuites, par un autre chasseur de prime, le major Marquis Warren, ainsi que Chris Mannix le nouveau Shérif de Red Rock, leur destination. Dans la mercerie, des hommes aux mines patibulaires sont déjà présents. Bob, qui gère le refuge en l’absence de Minnie, la patronne, Oswaldo Mobray, le nouveau bourreau de Red Rock, Joe Gage, un cow-boy qui vient voir sa mère pour les fêtes de Noël et le général Sanford Smithers, un officier confédéré fraichement retraité qui vient enterrer son fils, mort quelques années plutôt dans la région. Tout ce beau monde dans un espace confiné, je vous laisse présager de la suite…


Le film est presque un huis clos. Un formidable jeu de dupes se met rapidement en marche et nous, pauvre spectateur que nous sommes, passons notre temps à compter sur nos doigts en espérant atteindre 8. Les salopards, fatigués de ce petit jeu, décident à l'unisson de commencer une sanguinolente danse macabre. Le réalisateur, en chef d'orchestre averti, donne le tempo.


Tarantino a une marque de fabrique, la violence. Celle-ci est toujours omniprésente dans ses films. Malheureusement, elle devient omnipotente ici. Le sang, les têtes qui explosent et les morts que l’on ne compte plus ne sont pas contrebalancés comme à l’accoutumé par un humour incisif. Un autre aspect cher au réalisateur que l'on ne retrouve pas est la vengeance. Cette vengeance qui est le moteur de tant de héros de Tarantino dont Shosanna dans Inglourious Basterds, La Mariée dans Kill Bill ou le deuxième groupe de filles dans Boulevard de la mort, est remplacée par la loi. Par loi, il faut entendre la possibilité de tuer légalement. Tuer par vengeance est illégal et représente la loi du Far West comme le dit si justement Oswaldo, qui fait foi en sa qualité de bourreau. Par contre, abattre un vieillard qui tente de saisir son pistolet est légal. C'est la loi.


Côté visuel, les plans sont d’excellente qualité, même si on peut reprocher à certains de tirer un peu trop en longueur. Les dialogues et les situations sont à la hauteur de cette belle brochette de personnages. La musique, réalisée en grande partie par l’indémodable Ennio Morricone, avec ses nombreuses envolées et sa grande diversité des registres, permet un rythme endiablé. Morricone, le jour où tu t'arrêteras, tu nous manqueras !


L’année 2016 commence donc bien avec Les Huit Salopards. Mais ce moment n’est pas à marquer d’une pierre blanche, ni dans la filmographie de Tarantino, ni dans l'histoire du cinéma.

Vincent-Ruozzi
7
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le 11 janv. 2016

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Vincent Ruozzi

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