Premier film que je vais voir au cinemed 2016. Un Bolognini. Je crois que je vais en voir plein. Je suis entré dans la salle Pasteur plein d’entrain et d'appétit. Le souvenir ému du Bel Antonio reste présent. Et ce petit film s’est avéré être un petit bijou qui confirme ma passion naissante pour le cinéaste.


Ce film là est une sorte de vagabondage au gré des atermoiements amoureux de jeunes gens dans un quartier populaire de Rome. Très délicat comme sait l'être le cinéma de Mauro Bolognini, le scénario propose un marivaudage italien. C'est toujours compliqué, d’aimer, d'être aimé, ça l’est même d’autant plus que cette bande de jeunes se connaît depuis toujours. Ils ont grandi ensemble dans les petites ruelles près de la Piazza Navona. Les sentiments sont encore confus, mais filles et garçons sentent bien qu'il va falloir se décider à choisir. Sans froisser les uns et les autres, c’est encore plus dur. On suit donc les couples, les virages, les espoirs, les désillusions, les angoisses et ce désir de plus en plus puissant que la sensualité autour du dancing rend difficilement contrôlable.


La caméra de Mauro Bolognini met somptueusement en valeur les comédiennes. Ce n’est pas une nouveauté : Bolognini aime les femmes, il les filme à leur avantage, il en dessine les courbes et la délicatesse. Mais les hommes, malgré quelques roulements de mécanique n’en sont pas moins tendres.


Le regard porté sur cette jeunesse bouillonnante et sentimentale reste très empathique. On n’est ni dans la comédie italienne ni dans la tragédie viscontienne. Mauro Bolognini est à part, mais son cinéma léché et humain peine à exister en comparaison dans l’historiographie cinéphile. Scandaleusement injuste.


Il convient d’autre part de souligner ce qui peut être une singularité de ce film dans la filmographie de Bolognini : son optimisme. Je n’ai pour le moment pas vu énormément de ses premiers films. Je ne sais donc pas s'ils sont nombreux dans ce cas à offrir un développement aussi léger et heureux. J’ai au contraire remarqué la noirceur et la violence des sentiments, des rapports humains dans ses autres films.


Celui-ci est proche de mal finir, la violence n’est pas exempte des relations entre les personnages, mais les conclusions sont optimistes. Du moins le film se termine-t-il sur des notes colorées. Le cinéaste travaille ici sur un scénario écrit à 4 mains et sans doute n’est-il pas encore tout à fait maître de ses choix. Ce que j'essaie de dire, c'est que dans le fond le propos du film ne ressemble pas tout à fait au cinéma de Bolognini que je connais, il s’en rapproche et s’en échappe à la toute fin.


Sur la forme par contre, l'image léchée, toute belle filme magnifiquement les femmes. Mauro Bolognini est un des cinéastes qui rend les actrices encore plus belles. C’est spectaculaire ! Que ce soit sur Valeria Moriconi, Cosetta Greco ou même la juvénile Antonella Lualdi, la photographie de Massimo Sallusti s'évertue à en sublimer le grain de peau, la finesse des traits.


Sous le soleil d’un Rome populaire lumineuse, ces demoiselles en quête d'amour reposent insensiblement leurs têtes sur les épaules et les dos de leurs prétendants le temps d’une danse ou d'une balade en Vespa. Cosetta Greco, épouse trop jeune d’un mari vieillissant (formidable Gino Cervi), est travaillée au corps par des hormones encore vibrantes. Sa sensualité explose sous le regard fiévreux d’un Franco Interlenghi (parfait pour ce rôle compliqué). Tiens oui, parlons-en de ce comédien! Voilà un acteur qu’on voit souvent mais dont on oublie trop fréquemment le nom. Injuste, tant il est bon et sait varier son jeu.


On retrouve également Nino Manfredi, tout jeunot, dans un rôle pas vraiment flamboyant mais qu’il parvient à étoffer avec cette sensibilité qu’on lui connaît et déjà bien prégnante à l'époque.


Je ne connaissais pas Sergio Raimondi. Il me fait penser à Henri Vidal, ce genre d’acteurs qui ont eu du succès auprès des midinettes des années 50/60 et qui ont été un oublié depuis. Dans un rôle somme toute ordinaire de bellâtre un peu dur mais au fond pas mauvais gars, rôle qu’on a vu mille fois ailleurs, il se défend pas trop mal, sans jamais non plus vraiment marquer les esprits.


Au final, je suis sorti de la salle très enthousiaste pour cette rétrospective naissante (avec 4 autres tickets en poche pour la suite, miam). Je suis ravi par le voyage temporel dans cette Rome perdue : la gare en face de la pyramide Sextus n’existait pas, il y avait un cirque dans un terrain vague par exemple.


Heureux aussi de rencontrer cette distribution au jeu très italien, hâbleur, chaleureux, vivant et capable de monter très vite en pression, tout en maintenant une pudeur étonnante, un casting fin et brillant.


Un bon film mais qui ne ressemble pas à l'image que je me fais d’un Bolognini. Une surprise heureuse. On le sent pointer le bout du nez, mais il ne se dévoile pas encore totalement.


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Alligator
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le 29 oct. 2016

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