Kleber Mendonça Filho a tourné dans sa rue et même dans son appartement. Les sons du quartier, ce sont ceux qu'il a connus, et l'histoire qu'il y place n'est pas tant le fruit de son imagination que son imagination elle-même. Il nous montre quelles idées lui permettaient d'échapper au spectre de la pauvreté de Recife planant constamment au-dessus de l'ennui des quartiers riches.
Seulement, il oublie d'agréabiliser l'ensemble. Pour lui, il n'y avait pas de spectateur. La manière dont il aborde ses sujets est strictement personnelle, sans lissage, et l'on doit faire le choix de le suivre ou non dans la redécouverte de ses propres souvenirs. Ce qui perce en revanche, c'est le mépris pour les lieux et les décors de ces belles maisons bien entretenues, la sensation que les habitants ont oublié d'où ils viennent et ce qui les entoure. D'ailleurs, une impression de fin du monde monte lentement derrière le voile de gestes à peine scriptés - une main qui s'agite pour allumer automatiquement la lumière, et tout ce vaut cette personne semble s'écrouler.
Bien que c'est un drame que j'oserais qualifier de banal (il flatte un peu le stéréotype et il a une histoire, quoique très discrète, à faire avancer), Les bruits de Recife n'est pas qu'une promenade microphone à l'air capturant une atmosphère sans se soucier de ses raisons d'être. Loin d'en chercher la source, il y voit au contraire une finalité, une purge infernale révélée par quelques images qui n'arrivent pas à se retenir de surgir : l'eau qui se transforme en sang, les crescendos terrifiants de bruits de la ville coupés tout à coup, les messages d'amour qui paraissent s'écrire tout seuls sur l'asphalte, un rêve incompris... La purification a déjà commencé.
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