Claude Sautet filme un drame, ses "choses...". Avec Michel Piccoli, Romy Schneider. Chef d'oeuvre.

Pourquoi ai-je en ma possession des films incritiquables ? La semaine dernière, c'était "Les 400 coups", et aujourd'hui j'ose me pencher sur "Les choses de la vie" de Claude Sautet. Inimaginable ! Pour ceux qui ne le savent pas encore, à une période donnée de l'année, je me penche sur des réalisateurs/artistes qui ont marqué leur époque. En 2011 s'ouvrait donc mes cycles cinéma avec Méliès en premier pour le cent cinquantième anniversaire de sa naissance. "Le voyage dans la Lune" faisait bien sûr (!) partie de ma check-list. 2013 faisait apparaître l'un des initiateurs de la Nouvelle Vague, à savoir François Truffaut ("Tirez sur le pianiste", "Jules et Jim"...) puis Jean Cocteau s'est invité dans mon cinéma ("La belle et la bête", "Les parents terribles"). 2014 faisait place nette en introduisant Luis Bunuel dans mon répertoire ("Belle de jour", "Tristana"...). Et en ce mois de novembre, Sautet va faire partie de mon paysage cinéphilique. "Les choses de la vie" marque, dans ce cadre-là, ma première rencontre avec ce cinéaste. Suivront "Max et les ferrailleurs", "César et Rosalie" (premier film que j'avais vu de Claude), "Vincent, François, Paul et les autres", "Un mauvais fils", puis son film testament, "Nelly et Monsieur Arnaud". Mais revenons un peu sur le cinéaste qu'est Claude Sautet. Avant de devenir réalisateur, il est scénariste. Il écrit ainsi le script des "Yeux sans visage" (de Franju !!), "Monsieur" (avec Gabin) et "Échappement libre" (avec Bébel) notamment. Entre ces activités là, sort sur les écrans sa "Classe tous risques" (1960), son deuxième long-métrage qui permit la rencontre Belmondo-Ventura, et le succès Sautet d'arriver. Vinrent ensuite "L'arme à gauche" (avec Ventura bien sûr !) qui ne connut pas la même gloire, puis "Les choses de la vie", Prix Louis Delluc de l'année 1969. En compagnie de Jean-Loup Dabadie (la rencontre Sautet/Dabadie ne s'arrêtera pas ici : "Max...", "César et Rosalie", "Vincent..."...) au scénario, Sautet adapte le roman éponyme de Paul Guimard. Synopsis : après un accident de la route, un homme se remémore son passé, ses amours mais aussi ses doutes. L'histoire, somme toute banale, ne prend pas quinze pages. Sautet en profite pour utiliser des flashbacks maîtrisés à la perfection pour coller au plus à l'histoire. Banco Claude ! De plus, ses personnages sont tous plus vrais que nature car ils sont pris en flagrant délit de vie, tout simplement, par Monsieur le metteur en scène. Le tandem Dabadie/Sautet prennent le temps d'ancrer leur histoire dans l'époque des 60's et ainsi de faire une radiographie précise et millimétrée des "choses de la vie". Chaque rôle est important, même la plus courte apparition. Mieux coller au personnage pour un rendu le plus réaliste des choses, telle devait être la conviction de Sautet lorsqu'il a commencé à tourner son film. C'est à partir de ce moment que le terme "les choses de la vie" est intégré dans le monde du cinéma. Détails, pistes, tout est plus précis que jamais, à commencer par l'histoire que nous conte Sautet. Ajoutons là-dessus mise en scène (gros plans, plans rapprochés, travellings, contre-champs) succincte (montage précis) et donc fortement prenante, et nous avons affaire à une démonstration, une leçon de cinéma. Comment être au plus proche des acteurs ? En leur donnant toute leur valeur intrinsèque sur des plans millimétrés au possible. Comprendre les doutes de Piccoli (l'homme torturé par la vie), c'est le prendre en gros plan pour ensuite combiner sur un travelling arrière. Le tout, en associant toute la technique de Claude Sautet pour suivre les tourments de sa famille. Ah ! Et comment, aussi, ne pas passer à côté des acteurs ? Nous avons, en premier plan, le monstre Piccoli qui, à travers son scepticisme permanent, nous montre toutes les facettes de son talent. Michel Piccoli (déjà célèbre : "Le mépris", "Les demoiselles de Rochefort", "Belle de jour" de Bunuel, ...) est tout simplement impressionnant dans le rôle d'un homme meurtri par la vie. Extraordinaire, Michel ! En plus, il forme avec Romy un couple (normal !) certes brisé mais qui se pare d'un mordant enivrant. Emportée, la bellissima Romy Schneider (sa rencontre avec Sautet lui permet d'accéder au sommet de sa popularité. Elle jouera par la suite pour lui, mais aussi dans "Le trio infernal", "Le vieux fusil", "La mort en direct"...) balaie tout sur son passage. Royalement vôtre, Madame ! A leurs côtés, Lea Massari (mère incestueuse dans "Le souffle au cœur") qui, dans le rôle de la mariée, fait des apparitions on ne peut plus onctueuses et revigorantes. Avec aussi Jean Bouise (le transgénérationnel : vu chez les Costa Gavras, Yves Boisset comme les Besson), reconnaissable, Dominique Zardi l'éternel second ("Le doulos", "Le cerveau", "Rabbi Jacob", ...), et Bobby Lapointe (le chanteur de "Tirez pas sur le pianiste") qu'on reconnaît la main dans le sac ! "Les choses de la vie", c'est aussi la BO unique mélodramatique de Philippe Sarde qui signe ici sa toute première composition pour le cinéma. Et quelle première !!! Philippe nous emporte corps et âmes dans les tourbillons de la vie, nous envoûte et fait de cette musique mirobolante au possible la couche à apposer sur la mise en scène de Sautet. Tous mes chapeaux, Monsieur Sarde !!! Dès qu'une note apparaît, on frissonne. J'en redemande ! Une maîtrise parfaite pour un début. Un régal !! Pour conclure, "Les choses de la vie", incritiquable, fait partie de ces chefs-d’œuvre du septième art, à n'en pas douter ! Piccoli, Sarde, Romy, Lapointe, et surtout, l'ami Sautet : du beau monde rien que pour nos yeux. Spectateurs, garez vous ! Un drame se dirige droit sur vous...

brunodinah
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le 14 mai 2019

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