« La beauté sauvera le monde », écrivait Dostoïevski. À l’heure où le monde culturel souffre démesurément des conséquences de la crise sanitaire liée au Covid-19, nous autres, passionnés de théâtre et de cinéma, souffrons en silence, privés de la part de beauté que chaque œuvre nous délivrait. Et c’est ainsi, désormais, qu’on sauvera le monde, paraît-il… Dans l’attente d’une réouverture prochaine, lorsque, peut-être, on estimera que la culture est certainement plus « essentielle » que de pouvoir s’offrir une machine à raclette chez Darty, on se remémorera quelques bons moments passés dans les salles obscures. Et parmi eux, ce drame d’un peu plus de deux heures, Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait, d’Emmanuel Mouret, qu’on a eu la chance de voir entre deux confinements.
Si vous aimez les récits enchâssés façon Jacques le Fataliste de Diderot (1796), Erik Satie et ses Gymnopédies qu’on connaît par cœur, les interlocuteurs qui se parlent sans jamais se couper la parole, qui utilisent le passé simple et qui ne font même pas les élisions du langage parlé, foncez voir ce bijou. Voilà pour la forme. Pour le fond, il est question d’amour, parce que c’est tout ce qui compte. D’amour, de désir, d’histoires qui auraient pu et d’histoires qui ne pourront pas. Il est question de ces attirances insensées qui viennent perturber le quotidien, tout bousculer jusqu’à rebattre totalement les cartes de nos existences. Il est question de jalousie, de possession, de cet autrui si distant, si présent… Et si jamais… ? Les histoires racontées sont celles qu’on a vécues ou qu’on a fuies, dont on a eu l’audace ou la lâcheté, selon les points de vue. Le tout sans aucune mièvrerie, sans malhonnêteté, avec toujours un ton très juste et des acteurs – quatre principaux – particulièrement doués. Un film à voir, dès que les autorités nous en redonneront l’occasion.