Frère cadet de l'excellent Le Beau Serge, Les Cousins souffre d'abord d'un scénario assez basique, accumulant sans gêne des réseaux d'oppositions plutôt simplistes, en s'abstenant de toute nuance: capitale et province, bourgeoisie et classe travailleuse, otium contre negotium (fêtes et études), décadence et désir de grandeur, vice et vertu, nuit et jour, etc. Le ressenti du cinéaste provincial ayant lui aussi débarqué à Paris pour y étudier et réaliser ses illusions (la référence au roman de Balzac les Illusions Perdues est claire) se devine facilement derrière ce tableau uniformément noir d'une jeunesse parisienne superficielle et vaine qu'il ne pardonne jamais. Il aurait donc fallu atténuer sa critique acerbe, rendre un semblant d'humanité à ce troupeau animal à l'instant grégaire. Ce défaut d'écriture propre à une jeunesse souvent radicale, attirée par les prises de position polaires, est à lier à la fin du film, elle aussi peu recherchée, jouant de la facilité de certains clichés dramatiques avec cet inutile et incohérent dénouement tragique (si ce n'est pour marquer le pessimisme du cinéaste, reprenant ainsi le parti pris balzacien).


Ensuite, s'il naît dans un contexte pré-soixante-huitard, terreau socio-politique dans lequel verra le jour la Nouvelle Vague, Les Cousins prétend emprunter esthétiquement à ce qui fait l'ère du temps le sens de la liberté, à travers cette reconstruction d'un chaos informe d'idées sans fil conducteur autre que le plaisir égoïste du moment. Néanmoins cette impression de liberté n'est que trop fausse, surjouée, car les coutures se révèlent trop évidentes derrière ce scénario bien trop écrit, bien que les scènes de fêtes jouissent (trop rarement cependant) d'un semblant de laissez-faire. C'est donc une esthétique encore maladroite (musique parfois vaine, mise en scène guère travaillée) que définit le jeune Chabrol, et ce malgré l'apport du noir et blanc d'Henri Decae et quelques scènes réussies (une magnifique tirade de Brialy, le travelling circulaire pour retransmettre le chaos de l'orgie), à des années-lumière du cinéma italien contemporain (Huit et demi de Fellini ou surtout Je la connaissais bien de Pietrangeli).

Marlon_B
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le 28 juin 2018

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