Bidasses sans folie...

Bidasses sans folies, mais avec beaucoup de bêtises, il faut le dire. Cette première critique de 2020, se pare, avant de commencer, de quelques vœux à vous transmettre pour cette nouvelle année qui débute. Aussi, elle nous permet de faire un état des lieux de ce que peuvent être l'humour et le film de comédie en France à cette heure.

        Le film ? Une comédie (apparemment), un film de bidasses (sans doute le premier depuis bien, bien  longtemps), mêlé à un film de gangster, avec un road-trip, puis un passage de politique fiction. Bref, un grand mezze sans queue ni tête. Disons une Odyssée pour faire référence aux origines grecques de Marseille. En effet, ce film met en scène Karim (**Karim Jebli**) et Nono **(Nordine Salhi**) deux petites frappes (des déguns = des moins que rien) de Marseille qui se retrouvent en camp militaire après un cambriolage raté. Là ils sont accueillis par le colonel (**Joseph Malerba**) (copie issue d'un clonage entre le sergent instructeur de Full metal jacket, Guy Montagné en colonel Buzard et tout cela avec le physique de Philippe Etchebest) qui va se faire un plaisir de les maltraiter. Sur le chemin qui le menait au camp, Karim croise le regard d'une jeune femme blonde (**Kelly Vedovelli**) et va tout faire pour essayer de la rejoindre à Saint-Tropez. Ils s'échappent du camp et croisent sur leur route des personnages tout à fait édifiants comme par exemple une vieille femme atteinte d'alzheimer jouée par **Chantal Ladesou** ou encore **Cyril Hanouna** reconverti en commissaire-priseur. Malheureusement, l'animateur de TPMP confond, dans son interprétation, une salle des ventes et un plateau de télé-achat (on ne se refait pas). Dans leur fuite, ils sont poursuivis par l'instructeur et par deux garçons vraiment très méchants qui veulent récupérer un CD (mais ça n'a strictement aucun intérêt, tout comme le reste). 
        Ce crime contre le cinéma est l'oeuvre de **Claude Zidi Jr**.,le vrai fils sans les qualités du père.  Quand on n'a pas le talent, on a au moins la possibilité de se donner un nom. Sur la réalisation, il n'y a pas grand chose à dire, c'est un premier film et il est difficile de faire le château de Versailles avec des instruments de bac à sable. Le jeu d'acteur est catastrophique. Les deux têtes d'affiche jouent et récitent moins bien qu'une pièce interprétée par des enfants d'un patronage laïc (et c'est le cas pour pratiquement tous les autres acteurs.). Le texte est tout bonnement affligeant ! C'est sous la ceinture, scato, sexiste, homophobe, raciste, grossier, vulgaire et tout cela servi avec une syntaxe indigente. On ne peut pas dire n'importe quoi sous prétexte que c'est servi avec des (nouveaux) particularismes régionaux. Ici, l'excuse : « ce sont des personnages de comédie, le trait est exagéré » ne fonctionne pas. On ne peut pas douter que les personnages qu'ils incarnent depuis 5 ans sur Youtube, sont un reflet d'eux-mêmes et de ceux qu'ils côtoient.
        Finalement de l'histoire il n'y a rien à  en dire puisque ce long-métrage ne raconte rien. En revanche, nous pouvons largement gloser sur ce qu'est ce film et ce qu'il montre. Il montre principalement du vide, mais un vide porté aux nues. Le fait de faire passer les Déguns de  Youtube, de leur sphère « semi-amteur » (ce n'est pas une erreur.). C'est-à-dire que là où un amateur n'a pas de qualifications officielles et reconnues, il a au moins le désir de bien-faire et de cultiver un savoir-faire, de réaliser au mieux et de chercher à progresser.). Ici, la médiocrité est portée en étendard. 

Plus largement, le philosophe Spinoza disait : « Le concept de chien n'aboie pas ». Il est clair que le concept de comique ne fait pas rire, ne fait plus rire pour être exact. Le problème des humoristes Français, au-delà du fait d'être trop nombreux c'est qu'ils se sont biberonnés de show-man américains, ce qui en soit n'est pas une mauvaise chose, mais n'ont jamais réussi à s'en départir, et ont fini par les pomper. En résulte un humour uniformisé, globalisé et communautarisé. Aussi, il y a une différence notoire, ceux qui sont nos humoristes d'aujourd'hui sont ceux qui, hier, étaient les cancres, « les merdeux » qui mettaient le boxon au fond de la classe et que l'on qualifiait de « petits rigolos du groupe ». Cela s'en ressent et aujourd'hui, il n'y a pas ou plus de comiques capables de mettre en humour un texte classique ou de ne pas utiliser un langage trivial et outrancier pour décrocher un rire. Il y a un manque de culture criant chez ceux qui veulent nous faire rire. Ce manque de culture fait que l'on se consacre au stand-up, un univers basé sur une relecture du réel, théoriquement plus accessible à tous. D'autres formes de comique mériteraient une imagination s'appuyant sur diverses formes de culture(s), qui permettrait de repousser les limites d'un propos construit, intelligent, drôle et preneur de risques. Au fond, il ne faut pas leur jeter la pierre. La scène ou le sport ont été les seules voies qu'on a eues à leur proposer quand l'école a échoué dans sa mission, et ainsi, ils rejoignent ces rangs avec les lacunes qui sont les leurs.

        Bref, Les déguns est un film édifiant, qui  nous parle non pas par son histoire, mais par ceux qui en sont à l'origine. C'est absolument consternant qu'un film pareil puisse attirer près de 500 000 spectateurs en salles et puisse donner lieu à une éventuelle suite. A leur insu les auteurs montrent un visage « intéressant » de notre société. Ce film ignoble vaut  0/10 ou 1/10 si on considère que le néant et le chaos ont bien plus de choses à nous dire.