Depuis la fin de l’ère Miyasaki, une aura d’héritage tournait déjà autour de Makoto Shinkai, car la diversité de ses œuvres, la stabilité ou même l'unanimité pouvaient déjà attirer notre attention. En démarrant avec “La Tour au-delà des nuages”, le roi conserve sa couronne cette année encore, alors qu’elle vient à peine de débuter. Après le succès planétaire “Your Name”, la France a l’opportunité de découvrir un second film de cet homme, qui porte si bien l’étendard du pays du soleil levant. Entre tradition et réalisme contemporain, cette nouvelle fable climatique nous ramène à la baie de Tokyo, capitale symbolique d’une nation et d’espoir. Il n’est donc pas étonnant de retrouver un décor aussi bluffant, mais qui sert honnêtement et convenablement l'irruption du fantastique. A hauteur d’enfants, le récit nous transportera dans un élan lyrique reconnaissable, mais qui saura se distinguer de ses aînés, pas bien des manières, car il reste sincère avant tout.


L’art nippone a toujours su séduire grâce à sa sagesse et à son renouvellement, car il y a cette justesse qu’on ne peut enlever à ces artisans de rêves, alors qu’il n’est question que de vertu et discipline morale. Le respect de la Nature est une préoccupation d’actualité au quotidien, mais ce film nous dévoile une vision cyclique de la chose. Quand bien même les êtres humains influencent le climat et donc la météo, il y a une part de responsabilité qui est sévèrement critiquée chez les adultes, qu’ils soient présents ou non. On clame ainsi l’innocence des enfants sur qui tout repose, mais c’est dans l’introduction d’un bien piètre Hodaka, 16 ans, que l’on découvre le visage d’un saint. Et ce rapport à la foi reviendra souvent, sans que l’on s’enracine dans l’imaginaire. Le jeune lycéen, sans projet, sans domicile verra son destin se croiser avec la jeune Hina, malgré un amour impossible, tout comme ce rayon de soleil qui manque son rendez-vous.


Est-ce pour autant que l’on doit hurler à la défaite ? Non. Shinkai se révèle plus qu'engagé, bien qu’il étale ses propos de manière à déléguer cette dénonciation pure, car ce n’est pas dans son intention de nuire. Il montre certains objets, voire déchets, ou marques multinationales dont la présence peut évoquer tant de choses. Deux points de vue se présente alors, soit en direction du climat, soit en direction d’enfants égarés, mais en quête d’indépendance. Si le réalisateur reste au plus proche d’un duo si complémentaire, c’est qu’il y voit plus qu’une affection spirituelle. Il y a quelque chose qui est censé fonctionner, mais on ne le ressent pas à chaque instant. Le doute devrait donc prendre le relais pour nous tenir en haleine, mais le résultat est plutôt confus, à l’image de l’illustration de la violence. Cela ne tâche pas pour autant un film qui réussit et qui marche sans doute trop proche de la structure narrative du précédent succès. Mais avouons-nous l’audace de proposer autant de changements afin de garder l’ouverture d’esprit nécessaire à l’appel du soleil.


Si “Les Enfants du Temps” ne parviendra pas toujours à tirer les larmes du corps ou nous faire ressentir cette boule au ventre, comme “Your Name” et tant d’autres l’ont fait auparavant, il est nécessaire de se rattacher au récit dans sa symbolique. L’approche trop lyrique par moment ou les ambiguïtés trop lisses nous privent de cette sensation qui nous échappe à vue d’œil. Au-delà de l’arc-en-ciel que nous sommes venus contempler, il reste un dernier remord, entre toute cette leçon d’humilité et ces adultes passifs. La jeunesse semble être l’espoir qui tend à corriger la naïveté des anciens, qui voient leurs styles de vie dépendre de la couleur du ciel. On nous pousse souvent à trouver le salut au sommet des nuages, alors qu’il faut parfois se satisfaire du désir que l’on possède sur terre. L'ode à la Nature est indéniable, mais nous n’oublions pas à quel point l’Homme a fini par créer ses propres influences et croyances, dont on préfère associer la magie de ce conte romantique et innocent.

Cinememories
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le 11 janv. 2020

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