En 1982 Claude Chabrol décide d'embarquer Charles Aznavour et Michel Serrault dans les ruelles pavées de Concarneau en adaptant le roman éponyme de Georges Simenon qui date de 1949.


Les Fantômes du Chapelier raconte donc l'histoire d'un mystérieux étrangleur qui sévit dans la ville de Concarneau en défiant policiers et journalistes. Un étrange jeu du chat et de la souris commence alors entre le chapelier du village Léon Labbé et son voisin d'en face Kachoudas, un modeste tailleur arménien qui soupçonne Labbé de ne pas être en odeur de sainteté.


Les Fantômes du Chapelier est un étrange film policier puisque il ne comporte ni enquête, ni suspense, ni même une véritable intrigue criminelle. D'ailleurs le commissaire principal en charge de l'enquête tout comme le journaliste qui reçoit les lettres anonymes de l'étrangleur passent le plus clair de leur temps à palabrer sur le tueur dans le bistrot du village plutôt que d'enquêter sur le terrain. Le film de Claude Chabrol dresse surtout le portrait d'un assassin qui se cache sous la respectabilité d'un petit notable de province, un thème particulièrement cher à son réalisateur. Il ne faudra donc pas plus de 15 minutes pour que le spectateur sache exactement qui est le coupable des crimes qui frappe ce petit village breton mais sans pour autant que le film perde de son intérêt. Toute proportions gardées le film de Claude Chabrol se rapproche bien plus d'un portrait de psycho killer à la PsychoseHenry Portrait of Serial Killer que d'un polar bien classique à la française. Le film nous plonge donc dans la tête et les petites habitudes de ce bourgeois respectable, respecté et pourtant capable des pires horreur. Encore et toujours, Claude Chabrol fustige une nouvelle fois les sales mœurs cachés d'une bourgeoisie à l'apparence trop propre.


Le film tout entier repose sur la performance assez hallucinante d'un Michel Serrault au meilleur de sa forme. Il incarne ici un homme hautain méprisant , suffisant, dangereux et plutôt dérangé mais que l'on prend paradoxalement plaisir à voir se débattre avec ses démons intérieurs. Le comédien nous offre un extraordinaire one man show dans lequel on prend un plaisir permanent et sans faille à le voir se comporter comme le plus parfait et le plus abject des hommes. Le personnage incarné par Michel Serrault prend un évident plaisir à manipuler et finalement jouer avec tout ceux et toutes celles qui l'entoure. Que ce soit sa femme de ménage, son jeune employé ou ses amis de la petite bourgeoisie de Concarneau, Léon Labbé jubile tel un acteur de l'effet néfaste qu'il aura toujours sur son auditoire. Mais sa victime préférée reste le modeste tailleur arménien Kachoudas qui bien que plus perspicace que les autres restera lui aussi spectateur et complice des sinistres agissements de son voisin en permanente représentation. Interprété par Charles Aznavour, Kachoudas et tout l'inverse de Léon Labbé, c'est un homme modeste, discret et simple qui ne cherche qu'à s'intégrer et se fondre sans faire de vagues quitte à refuser d'exposer au grand jour les sinistres agissements du chapelier fou. Et nous spectateur nous jubilons de voir Kachoudas suivre, épier, craindre et admirer cet homme abject et les séquences montrant Serrault attendre et presser le pas pour admirer son voisin le suivre comme un petit toutou sont aussi pathétiques que particulièrement cruelles et drôles.


La plus grande force du films de Claude Chabrol tient donc dans ce personnage à la fois méprisant, pathétique, blessant, autoritaire, inquiétant mais aussi drôle et fascinant. Et c'est peut être la plus grande force de Michel Serrault de parvenir à nous amuser de ce type dangereux, abject et psychopathe. Plus fort encore, petit à petit le film nous montre à quel point Léon Labbé a peut être finalement les mêmes obsessions que son modeste voisin, celles de n'exister qu'aux regards des autres. Léon Labbé n'est il pas finalement qu'un personnage souffrant d'une profonde et maladive solitude qui l'oblige à sans cesse à rechercher le respect et la crainte dans le regard des autres. Lentement le personnage sombre alors dans une profonde solitude à mesure il casse ses tristes jouets et se retrouve de plus en plus isolé sans plus personne pour admirer et commenter son triste et sinistre manège. La figure inquiétante du psychopathe cinglé laisse alors entrevoir l'homme et finalement presque l'enfant réclamant enfin la réprimande lors d'un final ou Michel Serrault tombe le masque grotesque de toute cette comédie pour s'abandonner enfin à l'émotion.


**Les Fantômes du Chapelie**r est un très bon film pour peu que l'on y recherche pas une intrigue classique de polar. Même si son rythme est parfois assez lent, ce voyage au pays pluvieux du chapelier fou mérite largement d'être fait ne serait ce que pour l'extraordinaire performance de Serrault.

freddyK
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le 18 juil. 2021

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