Franco continue avec brio ses portrait d'une humanité déviante avec son style à lui mais plus de dou

Première scène déroulant un plan fixe sur un moment de la vie de tous les jours ajouté à une légère tendance à la provocation. On est dans un film de Michel Franco, cinéaste mexicain devenu un habitué du Festival de Cannes et découvert en 2010 avec le tétanisant « Daniel & Ana », où un frère et une sœur sont enlevés et obligés de coucher ensemble. Pas de doute, et on l’a vu avec les films qui ont suivi, le réalisateur aime les sujets chocs et ne fait pas dans la dentelle en évitant toutefois soigneusement de se complaire dans un excès de voyeurisme, mais préférant le réalisme le plus extrême. Ici, il montre que même dans des lieux aussi paradisiaques que Puerto Vallarta se trament les drames humains les plus tordus avec des êtres complètement amoraux. Et pourtant, « Les filles d’Avril » semble être son film le plus doux et psychologiquement le moins difficile, c’est tout dire.


Michel Franco, dans le choix de ses sujets comme dans sa mise en scène, se rapproche beaucoup d’un autre habitué de la Croisette, en l’occurrence l’autrichien Michael Haneke. Même penchant pour une réalisation proche de l’ascétisme (faite de longs plans fixes ou de légers travellings qui s’éternisent) et absence totale de musique qui assimilent leurs œuvres à des observatoires de la banalité de l’horreur humaine. Cela rend leurs films étouffants et produit en général un certain malaise. Ici, on est toujours captivés par ce qui va se passer, par un dénouement que l’on sent inéluctable et atroce. Mais, ce nouveau film est un peu moins réussi que son œuvre la plus magistrale et définitive, « Despues de Lucia » qui voyait une adolescente se faire harceler par ses camarades et l’engrenage dans lequel son père allait se fourvoyer pour la venger. « Les filles d’Avril » développe quelques longueurs et la fin est trop abrupte, ce qui va beaucoup moins au sujet que sur le film cité précédemment. En effet, on reste sur notre faim quant au sort d’Avril, interprétée avec force par Emma Suarez. Enfin, les problèmes de poids de l’autre fille sont trop vite mis de côté au profit de l’intrigue principale et s’avèrent soit frustrants dans leur absence de traitement, soit de trop.


Le personnage d’Avril reste assez énigmatique ; il manque en effet de clés de compréhension psychologique. On sent petit à petit que quelque chose cloche chez cette mère mais on ne nous expliquera jamais le pourquoi du comment. C’est un choix qui en vaut un autre et accroît encore le sentiment de danger (et une certaine tension) ressenti par le spectateur pour son entourage. Un personnage de mère castratrice, border line et imprévisible qui fait peur par le côté imprévisible de ses réactions, voire de ses exactions. A nous de nous faire notre propre interprétation. On a droit encore à quelques scènes pas très catholiques voire quelque peu choquantes qui deviennent en quelque sorte une marque de fabrique pour le mexicain et son style inimitable d’Haneke du sud. Elles servent cependant le récit. Qu’on aime ou pas, le cinéaste développe une œuvre intéressante et étouffante sur les dérives de l’âme humaine et ses aspects les plus torturés et pervers. Et pourtant, « Les filles d’Avril » reste certainement son film le plus accessible et dans le compromis, notamment avec une fin relativement clémente. Maîtrisé et puissant, il reste un film à découvrir.

JorikVesperhaven
7

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le 3 août 2017

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Rémy Fiers

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